Amicalement vôtre


«Deux amis, un siècle de musique», c'est ainsi qu'est baptisée la tournée qui réunit Caetano Veloso et Gilberto Gil. Et qui les verra monter sur scène avec chacun une guitare et un répertoire immense. Caetano & Gil se sont un peu les Brett Butler et Danny Wilde de la musique brésilienne, aux trajectoires individuelles marquées mais dont le destin restera irrémédiablement lié pour l'Histoire, l'esprit indissociable malgré les désaccords et les différences.

Nés la même année, en 1942, et tous deux grandis à Salvador de Bahia, l'un est blanc issu d'un milieu modeste, l'autre noir et fils de médecin, les deux sont très engagés politiquement mais quand Gil est nommé ministre de Lula (premier président de gauche depuis leurs propres tribulations tropicalistes), Veloso est dubitatif avant de se raviser.

Leurs caractères aussi sont rigoureusement opposés – Veloso est un hyperactif et bon vivant, Gil un gros dormeur (et c'est lui qui sera ministre) et quasiment maître zen – mais ils se complètent comme se complétaient Lennon et Macca et se sont trouvés comme on trouve l'amour, chacun vouant à l'autre une admiration sans bornes et jamais envieuse.

Pour Gil, la rencontre avec Veloso, au début des années 60, met fin à une impression de «grande solitude artistique». À l'époque, Caetano est le seul à comprendre un traître mot de la révolution musicale, faite d'un immense crossover entre local et global, que Gil veut enfanter. Et pour cause, celui qui avait découvert son futur ami à la télévision, fasciné par son sens du swing, affirmait en 1982 «Gil croit en Dieu, moi je crois en lui».

Ensemble, ils croiront en un autre futur pour la musique et la société brésiliennes et en paieront le prix d'un exil qui leur permettra aussi de se construire et d'explorer les mondes qu'ils tentaient d'approcher via le tropicalisme, devenant par là des géants de ce que l'on appelle vulgairement la world music. World music qu'ils ont contribué à rendre noble tout en les faisant entrer dans le monde pop et inversement.

Caetano & Gil [+ Chucho Valdès]
À Jazz à Vienne vendredi 3 juillet


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Zack & Stan ne font pas illusion