Les Rois du monde

De Laurent Laffargue (Fr., 1h40) avec Sergi López, Céline Sallette, Éric Cantona, Romane Bohringer…


Jeannot Sanchez est du genre sanguin : il a passé du temps en prison pour avoir tranché à la hache les doigts d'un type qui s'étaient égarés sur l'épaule de sa compagne Chantal. Mais comme pendant son incarcération, Chantal s'est mise en ménage avec Jacky, le boucher du coin, Jeannot s'emploie à la reconquérir. À sa manière taurine et anisée…

Derrière sa bonhomie coutumière, on avait presque oublié le Sergi López inquiétant de Harry, un ami qui vous veut du bien (2000), capable d'une animalité furieuse et ravageuse. Avec Les Rois du monde, Laurent Laffargue se fait fort de nous rafraîchir la mémoire dans ce film étrange qui, s'il se nourrit volontiers d'un pittoresque local (Casteljaloux, dans le Sud-Ouest de la France), ne saurait se réduire à de la "gasconnerie" folklorique. Car c'est tout un climat qu'il suscite et ressuscite, rappelant ce cinéma des années quatre-vingt en travaillant la pesanteur atmosphérique rurale comme un personnage (L'Été meurtrier, 37°2 le matin ou L'Été en pente douce).

Quant aux "rois" de ce monde, ce sont en réalité de petits seigneurs dérisoires, gouvernés par leurs pulsions et aveuglés par la testostérone, reprenant le canevas d'une tragédie sans cesse jouée depuis l'Antiquité grecque. Un tragédie qui réclame de tendre l'oreille : López articule davantage avec ses biceps qu'avec ses lèvres, et Cantonna mâche ses répliques dans sa barbe. Pas grave : dans ce premier film baroque entre chaleur, pastis, passion et jalousie, l'intelligence et la subtilité sont surtout portées par les personnages de Céline Sallette et Romane Bohringer.


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À l'Auditorium, les frères Lumière crèvent l'écran