Ils marchent seuls


Si la puissance d'une œuvre était proportionnelle à ses mensurations, Cyril Pedrosa serait l'auteur de bandes dessinées le plus important de sa génération – or, il est "seulement" l'un des plus importants.

Quatre ans après Portugal, autofiction de 260 pages (!) qui le voyait se jouer de thèmes aussi sérieux que l'inspiration et le déracinement avec une finesse – de trait, d'observation – de tous les instants, le voici en effet de retour avec un autre pavé intimiste et contemplatif : Équinoxes, récit choral de 330 pages (!!) saisissant avec une audace renouvelée, fut-elle graphique – du crayonné cendreux au feu d'artifices pastels – ou narrative – du texte pur à l'illustration grand format –, les petites solitudes et les grandes angoisses qui jalonnent une vie.

En l'occurrence celles d'un vieil écologiste désabusé, d'un père divorcé à la croisée des chemins ou d'une jeune photographe effacée, entre autres acteurs d'une comédie humaine saisonnière dont le pedigree – on y croise les Smiths et Thomas Pynchon, on y pense à Alain Resnais et à Asterios Polyp, le chef-d'œuvre architectural de David Mazzuchelli – n'a d'égale que la justesse de ton.

Si l'expression "roman graphique" n'était pas si galvaudée, il aurait fallu l'inventer pour qualifier ce livre-somme. On préférera, plus pragmatiquement, accorder à son auteur la même considération littéraire qu'aux écrivains qui figurent dans la sélection de rencontres ouvrant ce numéro.

Cyril Pedrosa
À la librairie La Voix au Chapitre vendredi 2 octobre


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