Les labyrinthes de PAN

Bâtissant depuis sept ans de vertigineuses passerelles entre la musique de club et l'expérimentation, le label allemand PAN crée l'actualité à double titre : avec un focus sur sa non moins remarquable identité visuelle à la MLIS et un mix au Sonic de son fondateur, Bill Kouligas.


En sa qualité de mastermind visuel de Factory Records, le label anglais d'où déferla la new wave au tournant des années 80, Peter Saville fut celui qui éleva le design discographique au rang d'art – le négatif de la radiographie d'un pulsar du Unknown Pleasures de Joy Division, le chérubin psychédélique du Technique de New Order, le treillage orange and teal avant l'heure de l'album éponyme de Orchestral Manoeuvres in the Dark, tout ça, c'est lui.

Il fut aussi celui qui se piqua d'en déclarer la chute en désuétude dans les colonnes du Guardian : «Record sleeves are a dead art.» C'était en 2013, mais ce qu'ignorait Saville, c'est que depuis cinq ans, un jeune graphiste grec perpétuait son approche, mélange d'interprétation personnelle, de fouille documentaire et de recherche linéaire : Bill Kouligas qui, depuis Berlin, explore à la tête du label PAN les confins historiques et sensoriels des musiques électroniques et expérimentales et couche ses découvertes sur des pochettes – pour les plus fameuses à mi-chemin du spirographe avant-gardiste et de la bonne pioche en cabinet de curiosités, qui auraient toute leur place dans une monographie dédiée.

A personal journey

Cette approche très hugolienne du packagingLa forme, c'est le fond qui remonte à la surface»), la Maison du Livre, de l'Image et du Son la documentera jusqu'à l'aube de l'hiver dans une exposition en résonance avec la Biennale. Mais c'est surtout, évidemment, le DJ set dont ledit Kouligas – lui-même bidouilleur sonore sous le nom de Family Battle Snake – se fendra en préambule au Sonic qui promet d'être le plus désorientant. Il faut dire que le bonhomme n'a jusqu'ici publié que des merveilles.

C'est ainsi par son entremise qu'on a fait la connaissance du collectif berlinois Das Synthetische Mischgewebe, qui dans les 80's arrachaient de magnétophones des signaux granulaires d'une étrangeté à faire passer des enregistrements de la NASA pour de la muzak. C'est grâce à lui qu'on a redécouvert l'autodidacte parisien Ghédalia Tazartès, dont les bouleversants collages de vocalises rituelles et d'artefacts analogiques firent entrer, dès la fin des années 70, la musique concrète dans une nouvelle dimension spirituelle. C'est sous son égide que le Londonien Lee Gamble a dépiauté la techno jusqu'à n'en laisser apparaître que la substantifique moelle vibratoire. C'est chez lui qu'un des plus prometteurs artisans de la rénovation de l'electronica à coups de basses fréquences, Objekt, a publié son dévastateur premier album. C'est encore avec sa complicité que d'acharnés bruitistes ont viré leur cuti pour rendre au clubbing un peu de fantaisie – en tête Steve "Heastick" Warwick et sa proto-house jouée sur un Casio auquel il manque des touches.

Bref, c'est lui qui, en de plus ténébreuses circonstances, aurait vu sa tête chercheuse s'étaler en Une de ce journal.

Bill Kouligas
DJ set au Sonic vendredi 9 octobre
Exposition à la Maison du Livre, de l'Image et du Son du 10 octobre au 5 décembre


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