Les mots pour le dire


«Ce n'est pas du jeu, c'est la vie. Et pourtant c'est du théâtre !» Voilà comment Patrick Penot parle de ce festival Sens Interdits qu'il a imaginé en 2009 sous forme de biennale. Au départ, il y a la volonté de montrer un théâtre international peu diffusé sur les scènes lyonnaises, à l'exception des géants Ostermeier ou Claus Peymann – même si, à l'époque, le TNP en accueillait encore quelques-uns dans le sillage du Festival d'Automne parisien. Pour avoir travaillé en Pologne, à Vienne ou Athènes, l'ancien co-directeur des Célestins sait qu'une autre voix dramatique nous manque : celle, plus politique, des pays où la culture n'est pas un joyau de famille comme en France.

Cette année, c'est l'exclusion qui constitue le fil rouge de l'événement, celle dont sont victimes les ex-Yougoslaves de Common ground, les rescapées de la Seconde Guerre mondiale de Displaced women ou les Françaises rapatriées d'Indochine (et parquées dans des centres d'accueil sommaires et largement méconnus) de CAFI.

Sens Interdits n'est toutefois pas une simple compilation de témoignages à la suite de laquelle chacun devrait y aller de son mea culpa pour se donner bonne conscience. Il s'agit bien de travaux scéniques, de manières d'occuper le plateau, fut-elle tribunicienne (Yo Maté, GMGS), visuelle (Tatiana Frolova et son magnifique travail pour dire la douleur d'être russe par-delà le communisme), récitative (les Argentins de El loco y la camisa) ou même musicale (Médina Mérika explore le fossé entre Orient et Occident en empruntant les codes du musical).

Et si l'exclusion est prétexte à regarder ce qui se passe à l'étranger, elle est aussi un moyen de s'interroger sur ceux que l'on côtoie ici chaque jour : les sans-abris. Avec Dehors, le Belge Antoine Laubin aborde ainsi frontalement le rapport souvent embarrassé que nous entretenons avec eux. Jamais la dernière pour bousculer ses pratiques artistiques, la Belgique sera aussi représentée par le groupe Nimis, des étudiants que leur école a envoyés prendre le pouls du monde avant d'apprendre leur métier de comédien. Résultat : Ceux que j'ai rencontrés ne m'ont peut-être pas vu, ou comment confronter des migrants et l'agence Frontex sur un plateau.

Sens Interdits 2015
Du mardi 20 au mercredi 28 octobre


<< article précédent
Sens Interdits 2015 : le Chili de Pablo Larraín