Nouvelle Vague à l'âme

Diffusé au Comoedia et doublé d'un concert de A Boy Called Vidal et Noir Boy George au Marché Gare, le documentaire "Des jeunes gens modernes", retrace une brève mais confuse histoire de la new wave en France au tournant des années 80. Un film mal fichu, confus mais souvent passionnant, à l'image du mouvement qu'il décrit.


«On ne peut pas concevoir le rock en dehors de l'expérience nucléaire. Le trauma d'Hiroshima et Nagasaki n'est pas innocent, c'est un événement qui nous a transformé. Que dix ans après apparaisse une musique basée sur l'électrification de guitares...» Sans finir sa phrase et à sa manière inimitable, l'écrivain Maurice G. Dantec analyse ainsi la naissance du rock 'n' roll dans le documentaire de JF Sanz.

Et c'est en utilisant le terme de «dandysme nucléaire» que le critique Yves Adrien et le journaliste punk-mondain Alain Pacadis – qui dit avoir «L'amour du nucléaire» – définissaient le mouvement post-punk qui étincela dans la France du virage Giscardo-Mitterandien et que le magazine Actuel baptisa "Jeunes Gens Modernes".

A la croisée des chemins, ou au carrefour du développement, comme on aurait pu dire alors, cette période aura marqué la rencontre de l'inertie et de l'énergie, du conservatisme et du progrès, du nihilisme avorté du punk et d'un futurisme balbutiant de nouvelles technologies encore sommaires mais déjà révolutionnaires.

Jeunesse éternelle

«Tout nous paraissait devoir être fait confie Philippe Pascal de Marquis de Sade, il fallait tout réinventer.» Mais cette seule phrase contient tout le paradoxe de l'époque, dans lequel cette scène disparate va s'infiltrer avec une incroyable énergie brute et des concepts pleins la tête. Car ces jeunes gens-là, as du recyclage et de la référence, étaient surtout déjà post-modernes.

Au point d'être eux-mêmes pris au piège de cette post-modernité : vidés de leur substance, codes (nucléaires) récupérés par la clique du Palace avant que le mainstream ne les caricature sans qu'eux-mêmes n'aient pu toucher, à de rares exceptions (Daho plus tard, Jacno avec Rectangle, Marquis de Sade, un peu) les dividendes de cette période. «Ils n'ont pas vendu leur âme au diable parce que le diable ne le leur a pas proposé» ironise ainsi le critique Jean-Éric Perrin.

Aujourd'hui encore, même le documentaire un peu bordélique de JF Sanz, à l'instar de ses protagonistes, semble incapable de dire ce qui de la postérité imprévisible et de l'imposture indicible l'a réellement emporté. «Est-ce que j'étais "jeune" ? s'interroge Jacno. Oui. Est-ce que j'étais "gens" ? Pas sûr. Est-ce que j'étais "moderne" ? Ça reste à voir.» Comme si, dans toute explosion artistique, au final, il n'y avait que la jeunesse comme éternelle survivante. La jeunesse ou son souvenir.

Des jeunes gens modernes
Au Comoedia jeudi 22 octobre
A Boy Called Vidal + Noir Boy George
Au Marché Gare jeudi 22 octobre


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