Chair fraîche


La paréidolie est la tendance naturelle du cerveau à associer des formes connues à des formes aléatoires, produisant des illusions d'optique propres à chaque observateur. Les uns verront dans les arêtes d'une falaise le profil d'un géant, les autres devineront dans les contours d'un nuage la silhouette d'un animal, les plus atteints reconnaîtront des icônes religieuses dans des aliments en décomposition.

Les dessins de Rafaël Houée, amas complexes et ultra-détaillés de tentacules, dents, cartilages, plis graisseux et autres éléments organiques qui évoquent autant les métamorphoses sanguinolentes de la Thing de John Carpenter que le surréalisme visqueux de Stéphane Blanquet et les splash pages fourmillantes de Philippe Druillet, produisent pareilles perceptions. Et pour cause : c'est au fil du pinceau que ce dessinateur jeunesse récemment reconverti dans l'illustration au format mural – moult organisateurs de concerts underground font d'ailleurs appel à ses se(r)vices – agence ses productions, ainsi qu'on peut le découvrir en ce moment à la galerie Ubik.

Une poétique de l'aléatoire qui, par l'un de ces paradoxes dont les arts sombres sont féconds, n'empêche pas ces peu appétissants organismes de dégager une saisissante impression de cohérence, comme s'ils étaient l'œuvre de quelque divinité chaotique – ou des joueurs les plus déviants du god game génétique Spore. Ne vous laissez toutefois pas duper et rendez-vous sur place équipés d'un lance-flammes, juste au cas où.

Rafaël Houée
À la galerie Ubik jusqu'au 15 novembre


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