The Drones et USA Nails : blues rock fangeux contre punk noise bétonnée

Le Marché Gare accueille le même soir le rouleau-compresseur noise USA Nails et les ravaleurs de façade blues de The Drones. Un sacré chantier en perspective.


«De la musique d'héroïnomanes.» C'est ainsi que notre Grand Duduche à nous qualifie, avec la proverbiale et cocasse franchise qui est la sienne, la musique des Drones. On préfère pour notre part voir en ces Australiens des soupirants maudits, comme Verlaine parlait de poètes maudits. Ce qui revient un peu au même quant au romantisme exacerbé de leur musique – Mano Solo considérait ainsi la drogue qui précipita sa contamination par le virus de Vénus comme «la femme de ceux qui n'en ont pas» – mais souligne dans le même temps l'injuste confidentialité qui est la leur, en tout cas hors de leur continent natal.

Car en matière de blues rock tortueux et tonitruant, les Drones se posent là. À la droite du terraformeur de désert Neil Young, sur les épaules voûtées par le poids du monde de Nick Cave – de l'alcoolisme au suicide, tout l'abécédaire de la murder ballad écrite d'une plume trempée dans de la bile y passe – et légèrement en retrait du pétaradant Gun Club. Une place qu'ils ont su prendre le temps de se faire : formé en 1997, le groupe n'a publié qu'en 2005 son premier véritable album, Wait Long by the River and the Bodies of Your Enemies Will Float By – et n'a depuis jamais totalement renoué, en partie à (noir) dessein, avec ce condensé de sauvagerie et de crasse, malgré l'infatigabilité de son frontman Gareth Liddiard, qui aujourd'hui encore feule et gronde comme un Isaac Brock (Modest Mouse) des mauvais jours.

Enfoncer le clou

«Si quelqu'un t'a offensé, ne cherche pas à te venger. Assieds-toi au bord de l'eau, et bientôt tu verras passer son cadavre dans la rivière» conseillait effectivement le général chinois Sun Tzu. Reste que parfois, il n'y a d'autre solution que de pousser ledit offensant. Voire de lui filer une méchante bourrade dans le cas de USA Nails, quatuor punk noise londonien – il y avait un piège – qui, en à peine deux ans d'existence, s'est imposé comme l'alternative la plus crédible à Hot Snakes (les rythmes à tombeau ouvert, les psalmodies crispées) et Future of the Left (les guitares qui vous dissonent les cloches sans discontinuer, la production à gros grains).

Signé sur le label lyonnais Bigoût, USA Nails avait l'hiver passé tordu le Périscope avec la puissance et la vélocité d'un kraken vernien. Désormais armé d'un deuxième album doublement foudroyant et tordu (au point d'en remontrer à pas mal de big names du grindcore), on n'ose imaginer dans quel état il va laisser le Marché Gare – en même temps, quoi de plus beau que des ruines vues par les yeux électroniques d'aéronefs sans pilotes ?

The Drones + USA Nails [+ Torticoli]
Au Marché Gare mercredi 28 octobre


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