Sans interdit


On ne choisit pas les trottoirs de Manille ou d'Alger pour apprendre à marcher, comme disait le poète. On ne choisit pas non plus les caves de Chicago ou de Paris pour désapprendre à balancer et rouler : si c'est dans les recoins les moins éclairés de la Ville Lumière que les frères Laureau ont fondé Prohibition au début des années 90, c'est de la Windy City qu'ils auraient dû rayonner, là où, au même moment, Gastr Del Sol, Tortoise et quelques autres s'attelaient comme eux à redessiner, à coups de rythmiques anguleuses et de textures périodiques, les contours du rock.

Post-rock, puisque c'est de cette musique mouvementée qu'il s'agit, Prohibition ne le fut toutefois pas au sens strict, cultivant d'abord une urgence toute fugazienne, avant de se déporter dans une direction plus jazzy suite à l'arrivée du saxophoniste Quentin Rollet. Cinq albums sont nés de ces frictions, avant que le groupe ne se sépare en 1998. La postérité, cette ingrate, n'a quasiment retenu que le dernier, le bien nommé 14 Ups and Downs, grand disque alambiqué et revêche qui acheva de faire du groupe une figure culte de la scène indé française (au même titre que Sloy, Ulan Bator ou Bästard).

Souhaitons qu'elle réserve un meilleur sort à ceux publiés par les frangins via Prohibited Records, fussent-ils le fruit de leurs avatars ultérieurs (des rêveries folk de Don Nino aux divagations électro-psyché de NLF3) ou de compatriotes non moins aventureux (Mendelson, Herman Düne, Heliogable), label maison dont le vingtième anniversaire est prétexte à une reformation inespérée et néanmoins très attendue.

Prohibition [+ 202 State]
Au Sonic vendredi 13 novembre


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À l'Opéra, une Carmen endiablée