Guilty Simpson, fils légitime de Detroit


«There's nothing beyond the city» balbutie Keifer Sutherland dans Dark City à un Rufus Sewell tétanisé de désespoir, après l'avoir littéralement mis au pied du mur – sur lequel s'étale une publicité pour Shell Beach, échappatoire factice à la cité plongée dans une nuit sans fin imaginée par Alex Proyas. La scène pourrait être transposée à Detroit, en tout cas dans l'image saisissante de crudité qu'en dépeint son rappeur le plus représentatif, Guilty Simpson : celle d'un cloaque rongé par la misère mais dont la capacité de réinvention magnétise durablement ses habitants.

Si Simpson, Byron de son petit prénom, a acquis cette stature (proportionnelle à son physique de bouncer), ce n'est évidemment pas par le seul truchement de son naturalisme quasi zolien, c'est aussi et surtout parce qu'il s'est toujours échiné, avec le concours de producteurs tout aussi rétifs que lui à l'immobilisme (il fut révélé par J Dilla, respect), à s'affranchir des tropismes du gangsta rap (verbe menaçant, instrus 70s chaleureuses) par l'expérimentation électronique.

Flagrante dès Ode to the Ghetto (2008), premier album au swing écrasant mis en son par Madlib, cette intention l'est plus encore sur le non moins explicite Detroit's Son, paru en septembre : enregistré par Katalyst, l'un des artisans du monumental projet Quakers, ce quatrième long réussit le tour de force de faire sonner la Motor City (ses vrombissements, ses sirènes, ses détonations) sous un jour à la fois familier et inouï.

Welcome to Detroit #3 : Guilty Simpson [+ Phat Kat]
Au Périscope dimanche 13 décembre


<< article précédent
Guillaume Bailliart : la troupe de Molière à lui tout seul