Courants ascendants


Vous savez comment sont les critiques : dès qu'un musicien francophone commence à se forger une identité, ils n'aiment rien tant qu'à l'ébrécher à coups de comparaisons plus ou moins farfelues avec des anglo-saxons – remember notre «Morrissey du Loir-et-Cher» pour parler de Michel Delpech ? Depuis dix ans qu'il écrit certaines des pages les plus dextrement concises de la chanson en langue française, Bertrand Belin n'a pas échappé à la règle.

On a dit de lui qu'il avait l'élégance pop pince-sans-rire d'un Baxter Dury. On a reconnu dans son écriture le perfectionnisme trompeusement monotone d'un Bill Callahan. On a même vu dans sa délicatesse bluesy vacillante le fantôme de Johnny Cash – son timbre et son phrasé de baryton un peu schlag n'y sont pas étrangers. Autant de points cardinaux et quelques autres qui, s'ils aident à s'orienter dans sa discographie, ne permettent pas de s'y repérer pour autant.

Car c'est un continent bien à lui que défriche Bertrand Belin depuis une décennie, biotope après biotope. Après les immensités country de Parcs, Cap Waller le voit longer une espèce de désert côtier, en ce qu'il y conjugue au plus que parfait l'énergie solaire de l'afrobeat (en particulier sur le single Folle folle folle) à une certaine idée du songwriting sudiste. Le genre de coin où pourraient zig-zaguer des requins à l'âme chagrine : celui, estampillé La Souterraine, pour lequel on a récemment épuisé notre réserve de métaphores aquatiques, mais aussi et surtout celui qui donne son titre à son premier roman paru au printemps chez P.O.L., qui se lit comme on boit une tasse existentielle.

Bertrand Belin [+ Sombre]
Au Marché Gare vendredi 11 décembre


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