Abra-DakhaBrakha


"Tradition et modernité", ce vieux débat pour philosophes bachoteurs. Le voici pourtant incarné, loin du cliché, par DakhaBrakha : un étrange quatuor qui, depuis une bonne décennie, arpente les villages d'Ukraine à la recherche de chansons populaires, de récits oraux, et les met en musique avec à la fois ce qu'offre la tradition locale et les moyens de l'époque autant que du village global.

Soit trois chanteuses en chapka issues de l'univers des polyphonies slaves qu'accompagnent un homme, Marko, ainsi que des rythmes hip-hop, des beats électro, des basses dub. Tout ça pour accoucher d'une transe post-moderne et post-mondiale où l'on perçoit yodel et percussions africaines ou venues d'Asie.

Manière de réhabiliter une identité et une culture ukrainienne placées sous le joug, on ne le sait que trop, de la puissance russe. Mais DakhaBrakha le fait sans affirmation nationaliste. Bien au contraire : dans le décloisonnement des frontières par la musique et non par les chars, dans une ouverture européenne et mondialiste qui, sans doute sans le savoir (il s'agissait d'un vieux projet théâtral), rattrapée par les événements, s'inscrit en plein dans l'esprit de Maïdan.

Qui plus est, cette transe passe-muraille qui peut évoquer les racines de l'ancien folk américain – comme si finalement toutes les racines se rejoignaient quelque part dans un outre-monde souterrain – aussi bien que Nick Cave est sublime,  aussi magique que son nom l'évoque.

DakhaBrakha
Au Théâtre de Villefranche mercredi 16 décembre


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