Un "Roi Carotte" abracadabrantesque


Un roi un peu trop sûr de lui et bien peu soucieux de ses administrés se fait évincer du pouvoir par un légume humain, le roi Carotte, rendu aimable par l'entourloupe d'une sorcière. Sur cette histoire délirante, Laurent Pelly signe des costumes aux petits oignons (à commencer par celui du rôle titre, très phallique et ludique) et une mise en scène en constant mouvement, s'autorisant toutes les folies des grandeurs.

La princesse Rosée du Soir est prisonnière dans un grenier ? Voilà que la fidèle scénographe Chantal Thomas invente un gigantesque égouttoir. Fridolin doit passer par Pompei récupérer l'anneau de Salomon qui lui permettra de mettre fin aux pouvoirs de la sorcière ? Tout le chœur revêt des vêtements de l'Antiquité. Des fantaisies que relie l'adaptation de l'éternelle complice de Laurent Pelly, Agathe Mélinand, qui a même osé placer un train Intercité et un TGV dans le livret écrit par Victorien Sardou à la fin du XIXe.

En faisant de ses personnages dépravés et inconséquents des gens de notre époque, Mélinand moque une classe dirigeante qui, ayant pour principe de «tourner avec le vent», pourrait bien être celle d'aujourd'hui. Si cynique soit ce discours de fond, ce n'est toutefois pas lui qui structure cet "opéra-bouffe-féérie", mais la joie d'explorer des lieux aussi divers qu'un bar, un palais royal ou un marché et à chaque fois, de les investir avec maîtrise et esbroufe, comme lors de la visite chez les fourmis et les abeilles, qui évoque Cronenberg, ou de ce surgissement de légumes aux airs de nuit des morts-vivants carnavalesque.

La partition d'Offenbach, dont il n'existait aucun enregistrement, se révèle elle, sous la baguette de Victor Aviat, particulièrement flamboyante. Elle invite à l'aventure et rythme une cavalcade effrénée dans laquelle les ténors Yann Beuron (Fridolin) et Christophe Mortagne (le roi Carotte), ex membre de la Comédie-Française, se glissent avec un engagement jubilatoire.

Le Roi Carotte
À l'Opéra jusqu'au vendredi 1er janvier


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Claire Galopin au pied du mur