Quantique pop

Déroutante créature néopsychédélique, Animali a développé une sorte de vérité quantique, donc paradoxale, en s'affichant, volontairement ou non mais à coups d'invraisemblables chausse-trappes pop, comme le jumeau d'expression d'un groupe pourtant inimitable : les Flaming Lips.


This Plane Is Going Down, Are We All Honna Die? demande Animali en titre de son second EP. Voilà qui rappelle une blague née de la théorie d'Everett sur les univers multiples (ou "mondes parallèles") : «Deux physiciens quantiques prennent un avion. En route, les deux moteurs s'arrêtent et l'avion pique vers le sol. "Crois-tu que nous allons nous en sortir ?" demande le premier au second qui lui répond : "Sans aucun problème : il existe une infinité d'univers où nous ne sommes même pas montés dans cet avion" [elle est bonne, hein ?, NdlR].»

Or c'est un peu à ces univers autres, à la fois superposés et indifférents les uns des autres, qu'appartient la pop d'Animali, lyonnaise par accident : dans de nombreux mondes parallèles – et tant pis si la comparaison est envahissante – Animali se nommerait Flaming Lips et projetterait sa pop cosmique depuis Oklahoma City. Il n'est d'ailleurs même pas besoin, dans un premier temps du moins, de poser une oreille sur sa musique pour identifier ce cousinage.

La simple lecture de titres comme The Song That Changed Your Life, This Plane Is Too Loaded, How Is It Ever Gonna Land? (décidément) ou, sur l'EP précédent, Somebody Kill The Pianist évoque le même amour que leurs aînés pour une forme de titraille qui est déjà en soi une histoire (de Guy Who Got a Headache and Accidentally Saved the World à The Spontaneous Combustion of John).

Trou de ver

C'est que le quintette d'alchimistes mené par Julien Jussey et Ben Rishardier semble attaché à l'importance de mots qu'on jette en l'air pour les rattraper avec des bulles de mélodies pop psychédéliques, les y enfermer pour mieux les faire exploser, nous irradiant au passage de leur puissance évocatrice.

Renvoyant dos à dos paroles et musique, fantasme et réalisme cru, préoccupations terre à terre et cosmologie, Animali forme un "trou de ver(s)" pop, l'un de ces raccourcis-pliures dans l'espace-temps, en ouvrant la porte de la post-modernité : d'une certaine manière, Animali poursuit un pan du travail des Lips (celui de la période Soft Bulletin / Yoshimi) de la même manière que leurs congénères d'Odessey & Oracle travaillent la matière des Zombies et de la baroque-pop, dénichant à la croisée de la déférence et de l'indépendance d'esprit un fascinant entre-deux : une fois monté dans l'avion (si on y est monté), on ne saurait dire s'il décolle ou s'il descend.

Or, en très haute altitude, c'est quand on fait subitement plonger un avion en pleine ascension que l'on recrée, fut-ce pour quelques secondes, l'apesanteur. Générant ce paradoxe fou d'abolir la gravité dans un objet qui tombe à pic.

Super Dimanche x Les Inrocks Lab : Animali [+ Claude Violante]
Au Sucre dimanche 27 décembre


<< article précédent
Promenade en forêt avec Bae Bien-U