Dans sa bulle

Un an après avoir pris les rênes du Théâtre Nouvelle Génération, Joris Mathieu y présente cette semaine, à guichets fermés, sa première création. "Hikikomori" partira ensuite en tournée et sera de nouveau à l'affiche à Lyon à l'automne. D'ici là, l'auteur-metteur en scène nous raconte ce projet. Propos recueillis par Nadja Pobel


Hikikomori

«C'est un phénomène social né au Japon. Cela touche essentiellement des pré-adolescents, adolescents ou jeunes adultes qui, du jour au lendemain, face à une difficulté, une pression sociale ou parfois une raison plus diffuse difficile à déterminer, choisissent de se cloîtrer dans leur chambre et de ne plus en sortir. Souvent, ils s'enferment avec leurs parents, qui continuent à cohabiter avec eux.

En japonais, hikikomori signifie "le repli sur soi". En lisant un article sur ce sujet, qui est d'une grande ampleur au Japon et toucherait un jeune sur dix dans la tranche d'âge 18-25 ans, j'ai découvert que cela arrivait en Europe. Je me suis alors posé la question de comment construire un spectacle qui parlerait de la famille, de la relation qu'entretiennent enfants et adultes lorsque l'enfant a décidé de s'extraire du monde et que les parents n'arrivent plus à entrer en communication avec lui.»

Les casques

«Comme c'est un sujet à la fois social et politique, qu'il interroge sur ce qu'est la communication dans la famille (est-ce qu'on est ensemble ou isolé chacun dans nos bulles, en cette époque où la technologie prend beaucoup de place ?), je pense qu'on ne peut pas aborder ce type de problème de la même manière avec tous les âges. Par contre, il faut poser la question de manière intergénérationnelle.

Chacun verra la même chose dans un dispositif relativement magique à base d'illusions d'optique,  mais j'ai choisi de doter les spectateurs de casques, ce qui permet d'avoir une lecture différente de la situation selon le point de vue. Le théâtre devient alors une sorte de laboratoire où chacun peut profiter d'une fiction qui lui est destinée, qui parlera à sa tranche d'âge de manière plus simple : une pour les primaires dès 8 ans, une pour les collégiens dès 11 ans et une pour les lycéens et adultes.

Une même image peut raconter plusieurs histoires et cela me paraît très important aujourd'hui, dans l'espace du théâtre et encore plus dans la vie, de se rappeler que les images que l'on voit sont polysémiques et que, face à une fiction ou au réel, il y a une multitude d'interprétations possibles.»

Le TNG

«Ce qui nous amuse, c'est que le TNG est un lieu de création et de recherche qui s'adresse à tous, où produire un théâtre d'expériences à la fois sensoriel, plastique, formel et narratif. L'expérience est trop souvent associée au risque, alors que c'est l'endroit du plaisir, de la nouveauté, de la découverte.

Avec Hikikomori, toutes les générations vont se réunir pour avoir une lecture singulière des choses et ensuite la partager dans l'espace du commun par le débat et la discussion. Tout cela est assez révélateur de ce qu'on veut faire au TNG : des œuvres qui s'adressent à chacun et sont visibles par tous.»

Hikikomori, le refuge
Au TNG du 8 au 10 janvier


<< article précédent
Rentrée classique 2016 : Lyon va piano