Bang Gang

Des lycéens comblent le désert de leur existence en se prenant en main, c'est-à-dire les uns avec les autres et dans tous les sens… Inspirée par un fait divers, Eva Husson n'a pas froid aux yeux pour son premier long métrage qui, sans être bégueule, se révèle plus stuporeux que stupreux…


Identifié par ses pom-pom girls aux pectoraux avantageux, ses capitaines d'équipe de football athlétiques mais bas du front, ainsi que par ses forts en thème malingres, myopes, boutonneux et polycomplexés, le film de lycée (high school movie) est un genre à part entière outre-Atlantique. Cette catégorie de comédies plus ou moins émoustillantes destinées à être consommées avec popcorn et boy/girlfriend sort rarement de l'ornière, à moins d'un miracle ou d'une volonté de pervertir les codes — voir Carrie (1977) de De Palma ou Retour vers le futur (1985) de Zemeckis.

Si le cinéma français s'adonne parfois à ces bluettes sucrées (La Boum, LOL), il propose aussi des traitements alternatifs de l'âge “ingrat” — ou “des possibles”. Dans des œuvres saisissant l'adolescence comme un état mystérieux ou inquiétant, et ceux qui la traversent pareils à une tribu autonome, abandonnée à elle-même ; des œuvres valant parfois davantage pour les ambiances construites, nimbées d'interdits et de tabous transgressés que les histoires racontées.

De par son climat d'étrangeté diffuse, son goût pour l'architecture froide des banlieues pavillonnaires, et sa manière de déréaliser la réalité (tout en affirmant son authenticité), Bang Gang présente des similitudes avec Simon Werner a disparu (2010) de Fabrice Gobert, Dix-sept filles (2011) de Delphine & Muriel Coulin ou Dans la maison (2012) de François Ozon. Il s'en distingue en franchissant le pas du sexe à l'écran, là où les autres demeurent dans l'évocation.

Tu en veux en corps ?

Eva Husson serait-elle plus provocatrice que ses confrères ? Cohérente, plutôt : elle se conforme à son sujet, osant la nudité frontale parce qu'il aurait été ridicule de raconter comment des lycéens s'adonnent à des partouzes par désœuvrement en éludant poils et sexes. Revendiquant l'esthétique clinique du Elephant (2003) de Gus van Sant — montrer pour démontrer — elle se situe aussi dans le sillage des Tricheurs (1958) de Carné. Une version réactualisée (enrichie en blennorragies et en syphilis) où de grands ados d'aujourd'hui trompent leur manque de perspectives dans du sexe déconnecté de l'idée de sentiment : la chair leur est triste et mécanique ; un objet de conquêtes successives, comme des tableaux de jeux vidéo.

En instigateur d'orgies ludiques,  Finnegan Oldfield, déjà remarquable dans Les Cowboys de Thomas Bidegain, prend ici en somme la succession de Laurent Terzieff. Manipulateur et égoïste, il compose une excellente caricature de ces représentants de la Génération Y vus comme des profiteurs autocentrés. Autrement dit, comme des jouisseurs…

Bang Gang (une histoire d'amour moderne)
D'Eva Husson (Fr, 1h38) avec Finnegan Oldfield, Marilyn Lima, Daisy Broom…


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