De l'art de déplacer les montagnes


Si quotidienne soit-elle, la langue de Tarkos n'est pas lumineuse et touchante pour tout le monde. Mais quand bien même elle vous serait – comme à nous – assez hermétique, le spectacle qu'a conçu Chloé Bégou autour d'un montage de textes du poète décédé il y a dix ans est une délicatesse. Il faut dire que la comédienne-metteur en scène de la "colonie" Bakakaï a l'art de mêler musique, loufoquerie et inventivité.

Pour elle, le théâtre est un espace d'amusement, de défrichage et d'expérimentation, mais en gardant toujours à l'esprit que tout cela doit être partagé, comme elle nous le fit sentir pour Bakakaï, qui a donc donné son nom à sa compagnie, placée sous le signe de Gombrowicz. Ici, elle est à nouveau accompagnée de musiciens (violoncelle, violon, clavier). Et la voix, travaillée, chuchotée, amplifiée par micro, donne un rythme très sinusoïdal à ce mouvement textuel en immersion.

De quoi Le Sentiment d'une montagne parle-il ? De l'éveil, de l'endormissement, puis de la renaissance à travers des bribes de vie. Via des bruitages, ce sont le chant du coq, un jeu de pétanque ou une fanfare qui nous parviennent et nous convient sur une place de village, tandis que sur le plateau, c'est un décor mouvant de montagne qui est déployé. Épatant travail que celui du scénographe Quentin Lugnier : avec des origamis triangulaires, il fait surgir et s'effondrer des escarpements auxquels un vidéaste-mapper donne de la luminosité et plus de relief encore.

Le Sentiment d'une montagne
Au Théâtre de la Renaissance du mercredi 13 au samedi 16 janvier


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