Et quatre qui font deux


Et soudain surgit Winnie. Tout au long des 90 minutes de Quartett, mis en scène par Michel Raskine d'après Les Liaisons dangereuses,  Marief Guittier sera juchée et engoncée dans un talus de terre. Immobile, comme l'héroïne de Oh les beaux jours, la voilà qui elle aussi monologue. Elle sait parfaitement le faire, de surcroît avec les mots intemporels d'Heiner Müller évoquant «le gaspillage de jouissance qu'entraîne la fidélité d'un mari», ses propos féministes assurant que «l'homme n'est que l'instrument de la jouissance des femmes».

Bien sûr, l'alchimie prend. Thomas Rortais est beaucoup plus jeune que Valmont ? Qu'importe. Les liens physiques n'en ont que faire, la torture du désir aussi. D'autant que les deux comédiens ont déjà parfaitement rodé leur duo dans Le Triomphe de l'amour et Au cœur des ténèbres en septembre dernier. Le décor, lui, est reconnaissable entre mille, tant Michel Raskine est fidèle à ce principe de juxtaposition de mobiliers désuets (une grande toile peinte, des fauteuils anciens), d'objets du quotidien contemporains (comme des canettes de Coca) et d'un bout de coulisses à vue (un lavabo, un miroir).

Comme dans ses créations antérieures, le metteur en scène instille aussi des pauses annoncées comme telles, moments de suspension rappelant le mémorable continuum du Jeu de l'amour et du hasard en 2009. Avec une vidéo volontairement mal léchée, des beats electro lourds et la voix de Madonna, le patchwork est complet. Les paroles ciselées de Valmont, Merteuil, de Madame de Tourvel et de Cécile de Volanges sont parfaitement restituées et font mouche. Reste que ce spectacle s'avère au final trop proche du précédent.

Quartett
Aux Célestins jusqu'au dimanche 24 janvier


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