Maguy Marin : la vie, une farandole

Dans sa dernière pièce Bit, la chorégraphe Maguy Marin tisse une frêle farandole sur le fumier de l'histoire et parmi un univers sonore techno. Une ronde de nuit, aussi brève et poignante que la vie d'un groupe et celle d'un individu.


Sur une scène plongée dans la pénombre, il pleut des drones assourdissants, des bourdons martèlent leurs masses électroniques en fusion sur le tambour de nos tympans. Un véritable enfer techno au beau milieu duquel, incongrus, six danseurs entament une farandole au milieu de (ou sur) six plans inclinés. Un pas sur le côté, deux pas en avant, main dans la main, les danseurs filent ensemble leur petite joie de vivre collective alors qu'autour d'eux, les rasoirs d'acier de la musique découpent l'espace et le temps en lamelles acérées.

Il y a "bit" et "bit" semble vouloir dire Maguy Marin à travers ce contraste, rythme et rythme. Si important pour la chorégraphe, ce n'est pas le tempo ou la cadence répétitive du mouvement, mais le cœur rythmique de chaque individu, comme de chaque collectif.

La musique qui bat entre nous

Maguy Marin entremêle les cadences infernales de la techno avec les rythmes d'une farandole, petite frise humaine se découpant sur le plateau, s'égayant en gestes presque enfantins, montant et descendant les pentes de la vie et du monde... « La seule question qui vaille au fond, déclare la chorégraphe, c'est : comment produire de la musicalité entre nous ? Comment les rythmes individuels, singuliers peuvent s'articuler avec ceux des autres, pour créer quelque chose qui ouvre un partage possible ».

La chorégraphe tisse les mouvements comme elle entre-tisse les rythmes et les temporalités, les strates d'histoire à partir desquelles nos gestes s'appuient, se fondent toujours. De temps à autre, Maguy Marin évoque le passé à travers quelques images scéniques fortes : des corps antiques à demi nus glissent sur un drap de sang tragique, trois Parques mythologiques dévident le fil des destinées humaines, des moines masqués ourdissent quelques cabales sulfureuses...
Autant de parenthèses et de visions sombres et inquiétantes, avant que ne resurgissent la bande son techno et notre farandole artisanale faite de bric et de broc, de rythmes et de singularités. Le temps de danser ici n'est, ni plus ni moins, que le temps de vivre (ensemble si possible), avant de basculer dans le néant.

Bit de Maguy Marin
Au Toboggan les 4 et 5 mars 


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