Colin Stetson Elephant Man

Les barrissements de ses saxophones XXL se font entendre sur quelques grands disques de rock de ces dernières années. Mais Colin Stetson est aussi un immense performer et musicien solo dont le son inimitable et tellurique abat les frontières entre pop, classicisme et avant-garde.


Question à mille euros : l'homme en a deux, l'éléphant trois, la femme quatre, l'éléphante cinq, de quoi s'agit-il ? Tic tac, tic tac... Huuuuun. Il s'agit des trompes. Colin Stetson, lui, se situe quelque part entre l'homme et l'éléphant puisqu'il n'est pas rare qu'il possède trois trompes (le lecteur ayant envisagé l'amorce d'une pensée salace est prié de quitter cet article et de ne pas jeter son Petit Bulletin sur la voie publique).

Car Colin Stetson joue de ce genre de saxophone basse ou baryton (et même de la clarinette, toujours basse) dont le son n'est pas sans évoquer le barrissement. Un instrument ardu à maîtriser (son poids, le souffle qu'il nécessite) et passablement ingrat (outre qu'il déchausse les dents, il vous relègue toujours à l'arrière-plan).

Chemins

Ceux à qui ce nom est familier l'ont sûrement vu associé aux travaux de la branchitude new-yorkaise (David Byrne, TV on the Radio, LCD Soundsystem, Yeasayer) ou de la nouvelle vague rock canadienne (Arcade Fire, Feist, Timber Timbre). Éléphant slalomant dans le magasin de porcelaine de la musique mondiale sans rien casser d'autre que la baraque, capable d'accompagner le délicat Bon Iver comme de danser avec le violon, arcadien lui aussi, de Sarah Neufeld (un éléphant qui danse avec un colibri, c'est magnifique) sur Never were the way she was ; de se goinfrer Bartok et Steve Reich ou de désosser Gòrecki, Stetson a surtout su tracer sa propre voie.

Et, parce qu'il a su exploiter toutes les possibilités et les impossibilités de son engin, s'y faire une place en solo : symbole d'un post jazz qui en ouvrant d'autres voies, d'autres "sentiers qui bifurquent" borgesiens, trouvent de nouvelles jonctions possibles entre pop culture (c'est bien le jazz qui inventa la pop culture) et expérimentations. Avec Stetson, aussi escarpés et paumés soient-ils, difficiles de se "tromper" de chemin.

Colin Stetson
Au Centre Culturel Charlie Chaplin dans le cadre de À Vaulx Jazz le mardi 15 mars


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À Vaulx Jazz comme des images