Trois questions à Zhao Dayong


Comment peut-on tourner sereinement un film aussi critique sur et dans la Chine contemporaine ?
Je savais bien que le sujet ne passerait pas la censure, c'est pour cela que je n'ai pas pensé à le diffuser en Chine. Je n'ai pas demandé d'autorisation de tournage — mais c'est classique pour un film indépendant chinois à petit budget. Malgré tout, il a été montré sur place lors de trois ou quatre projections privées. Mais devant moins de mille spectateurs.

Le cinéma chinois nous montre d'habitude le progrès, l'urbanisation, mais oublie le monde rural…
La Chine est dans une étape de transition : les frontières entres les villes et les régions rurales ne sont pas très claires et l'on peut sentir parfois deux civilisations en même temps. L'endroit choisi pour le tournage était dans les années 1960-1970 un centre administratif (on voit beaucoup de vestiges de la Révolution culturelle). Mais ensuite, la ville a été désertée, elle est devenue cette cité fantôme, très triste…

Pourquoi faire surgir des éléments fantastiques au sein d'un film à tonalité ultra réaliste ?
Personnellement, je ne suis pas un grand cinéphile ; et donc peu influencé par les autres cinéastes. Quand je fais des films, c'est toujours d'une façon très naturelle. Venant du documentaire, j'adapte mes techniques habituelles à la fiction, c'est ce qui leur donne un aspect réaliste. En ce qui concerne le fantastique, les fantômes sont un symbole — et une métaphore à destination des spectateurs — me permettant de souligner ce qui se passe autour de nous, les Chinois. Je crois que nous sommes devenus indifférents à l'invisible. La philosophie chinoise m'inspire beaucoup : elle enseigne qui si l'on fait du bien, on reçoit du bien — mais l'inverse est aussi vrai.

Propos recueillis par Vincent Raymond


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