Melville : Son nom est stetson


On a tendance à voir dans le polar un genre par essence américain, essaimant de façon univoque sur les autres continents et cultures. S'il suffisait d'un homme pour dénoncer ce postulat, il aurait un chapeau de cowboy et des lunettes teintées d'aviateur californien. Son nom ? Jean-Pierre Grumbach, dit Melville, cinéaste français comptant parmi les plus déterminants stylistes du 7e art ; auteur d'œuvres épurées jusqu'à l'abstraction cristalline, et maître incontesté de plusieurs générations de réalisateurs nippons, étasuniens ou européens, revendiquant avec déférence son ombre tutélaire.

Franc-tireur dans l'industrie, partisan d'un contrôle total de ses productions, Melville a su également extraire de ses comédiens une fascinante quintessence : d'abord, la grâce féline du jeune Belmondo ; ensuite, l'aura hiératique d'un Delon minéral. Deux de leurs trois collaborations ont été retenues par le cycle Ciné-Collection pour illustrer l'œuvre au noir de Melville : Le Samouraï (1967) bien sûr, où le comédien, mutique et glacial, trouva les contours de son personnage totémique ; et Le Cercle rouge (1972), le plus contemplatif de tous les casses de bijouterie, servi par une distribution aussi hallucinante que les visions causées par le délirium tremens du personnage joué par Montand.

Enfin, parce que Melville, ancien résistant, a consacré à la période 39-45 des films privilégiant aux fresques bouchères les récits d'affrontements psychologiques ou les tensions individuelles, il faut ajouter L'Armée des ombres (1966) monument votif aussi coupant qu'une nuit de novembre. Un triptyque essentiel. VR

Rétrospective Melville
Dans les salles du Grac jusqu'au 2 mai


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