Le Fils de Joseph

de Eugène Green (Fr/Bel, 1h55) avec Victor Ezenfis, Natacha Régnier, Fabrizio Rongione…


En acclimatant au 7e art son obsession viscérale pour la prononciation baroque, Eugène Green est devenu l'auteur d'une œuvre anticonformiste, unique car identifiable dès la première réplique. Il exige de ses interprètes l'usage de la liaison systématique et appuyée, telle que codifiée par son courant de prédilection — au risque de créer des impressions (fautives) de cuirs en cascades. Inscrite dans un dialogue déclamé d'une voix blanche par des comédiens semblant avoir reçu pour consigne d'adopter le plus désincarné des jeux possibles, cette particularité participe donc d'un ensemble singulier : son style, auquel on peut souscrire comme à une convention ou à un dogme religieux. Un intégrisme bien inoffensif, s'il prête à sourire : à côté d'Eugène Green, le rigoriste Rohmer passerait pour un cuistre barbarisant la langue française !

Tous deux ont cependant en commun la fascination pour les lettres classiques et la jeunesse, ainsi que l'art d'attirer à eux les acteurs — au point d'en faire des apôtres. Déjà convoqués par le passé, Natacha Régnier, Fabrizio Rongione et Mathieu Amalric sont ainsi réunis autour de ce Fils de Joseph. Si le titre lorgne implicitement du côté des évangiles, avec un héros enfant d'un mère célibataire (prénommée Marie) abandonnée par un pape — plus qu'un dieu — de l'édition omnipotent, il ne s'agit pas vraiment d'une transposition contemporaine de la vie de Jésus, du sacrifice d'Abraham ou d'un quelconque acte de foi.

En réalité, Green se montre ici davantage fasciné par les représentations antérieures (notamment picturales) des récits bibliques et par les vestiges de la culture chrétienne (les églises). Il ne faut pas s'attendre à un miracle, mais à la célébration mystique d'un monde abstrait et suranné, qui ne séduira que les convertis. Pour les autres, la messe est dite.


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