Les bottes de trente lieues d'Elisabeth Saint-Blancat

Trente ans qu'Élisabeth Saint-Blancat est aux manettes du théâtre des Clochards Célestes, créé en 1978 : elle en a fait un lieu incontournable de découvertes pour petits et grands. Rencontre avec une directrice exigeante et épanouie.


Quand Yves Barroz, qui avait fondé le théâtre des Clochards Célestes à la place d'une épicerie à la fin des années 70, demande à une jeune comédienne toulousaine de reprendre le lieu, elle hésite, n'ayant jamais trempé dans le volet administratif de son art. Mais elle accepte.

Nous sommes au printemps 1986 : Élisabeth Saint-Blancat, 40 ans, va pouvoir mettre sa curiosité insatiable au service d'une structure. Si elle n'a l'expérience que des grands lieux (son mari d'alors,  Jacques Rossner, l'assistant de Planchon, était directeur du CDN du Nord), elle a chevillé au corps ce goût de la découverte qui l'amène à la fin des 60's à arpenter les coulisses du TNP où travaillent Samy Frey, Francine Bergé.

En 2016, elle voit toujours plus de 200 à 300 pièces par an ! C'est avec ce bagage irremplaçable qu'aux Clochards, elle fonde de nombreux (feu) festivals, dont les Aulecquiades consacré aux auteurs contemporains ou ETC dédié à la jeunesse (le Off des rencontres internationales pour le théâtre, l'enfance et la jeunesse initié au Théâtre des Jeunes Années).

Ces deux axes, ADN de son théâtre, sont aussi le socle de son exigence. Comédienne à Mouffetard devant des enfants, elle sait qu'on ne peut pas les truander. Pas plus que quiconque ne peut l'entourlouper. « J'aime le théâtre mais je l'aime vraiment » dit-elle. Et toute la clé de son travail est dans le « mais », comme si programmer des travaux passables était le plus sûr moyen de desservir le théâtre où « bien souvent on s'ennuie. »

« J'aime vraiment ce que je fais »

Bien sûr, il y a parfois des ratages. Mais désormais, elle ne programme rien sur dossier, ce qui relève de la gageure (héroïsme) dans le domaine de la découverte. Elle est partout (le soir de notre entretien, elle se rendait à l'ENSATT, elle était deux jours plus tôt à l'Iris...), reçoit trois propositions par jour pour programmer in fine 15 à 17 spectacles par an.

C'est elle qui a ouvert ses portes à Joris Mathieu et l'a gardé trois saisons à l'affiche, le temps que des programmateurs (Odile Grosbon du Polaris en l'occurrence) prennent le relais. Idem pour Olivier Maurin. Mais elle constate que son travail (désormais réalisé en équipe, après qu'elle ait longtemps assuré toutes les tâches sauf la régie) ne bénéficie pas d'une vraie reconnaissance du milieu : « les professionnels viennent, mais ils pourraient venir plus. » 

Quand on lui demande quel est le spectacle le plus fort qu'elle ait soutenu, elle sourit, semble faire défiler toutes les années passées et, lumineuse, confie qu'elle ne peut pas répondre à cette question, car chaque programmation, dont elle a raison de dire qu'elles ne sont pas « anodines », annonce une « magnifique saison. » Tout en réfléchissant à son avenir à la tête de ce lieu, elle est la première à relayer En acte(s) (lire ci-dessous) : CQFD.


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