La Revue des revues

Pour sa 2e édition, le festival Livraisons réunit une vingtaine de revues (de sciences humaines, littérature, arts...) à travers des débats, des lectures et des spectacles. Gwilherm Perthuis (co-organisateur de l'événement avec Paul Ruellan) nous en confie la teneur.


Qu'est-ce qu'une revue ?
On peut la différencier du livre avec ses contenus plus courts ; du mook qui, lui, concerne plutôt les grands reportages et qui est venu pallier certains manques dans la presse ; et du magazine avec, en ce qui concerne la revue, une périodicité moins fréquente, des textes plus approfondis et plus distanciés d'avec l'actualité. Ceci dit, le "médium revue" peut prendre des formes extrêmement variées, de la revue de poésie MUSCLE qui contient deux textes et se présente sous la forme d'une feuille pliée quatre fois, à la toute nouvelle revue Apulée dirigée par Hubert Haddad qui compte quelque 400 pages. La revue se caractérise aussi par un soin particulier apporté à la typographie, à la mise en page, aux liens entre les textes et les images. En ce sens, il n'existe pas vraiment de revue sur Internet, où les contenus ne sont pas travaillés de la même manière.

Comment se portent les revues aujourd'hui ?
L'association Livraisons est centrée sur les revues de sciences humaines, d'art et de littérature. En ce qui les concerne, en France, il existe environ un millier de revues (en comptant les "cahiers d'auteur",  ces drôles d'objets oscillant entre patrimoine littéraire et revue proprement dite). Il en naît chaque année une cinquantaine, et il en disparaît autant. Le monde de la revue n'a jamais vraiment cessé d'être actif mais il demeure, sauf pour quelques grandes revues historiques, dans les marges. On observe aussi qu'elles réapparaissent de plus en plus dans les librairies, sans doute dans le sillage du succès du mook.

Qu'est-ce qui fait la spécificité du festival Livraisons ?
Ce n'est pas un salon de la revue comme celui de Paris, mais un événement qui réunit vingt-quatre revues et les met en dialogue, avec des formes qui se veulent les plus variées possibles : discussions, lectures, performances, et même une pièce de la chorégraphe Sandra Iché cette année... Il n'y a pas de thématique générale, mais un focus géographique sur le Québec, et on a invité des revues connues (comme Critique ou Europe), autant que des jeunes revues (la revue de poésie L'ours blanc, la revue littéraire Mer gelée qui redémarre...).

Y a-t-il un fil rouge néanmoins qui se dégagerait de cette 2e édition ?
Oui, les préoccupations politiques au sens large. François Cusset, par exemple, viendra parler de la place de l'intellectuel dans l'espace médiatique aujourd'hui, et de l'espace de la revue qui pourrait constituer une forme de contre-pouvoir. On confie aussi une soirée à l'historienne Sophie Wahnich et au collectif Tenons et Mortaises qui réunit plusieurs revues (Multitudes, Chimères, Vacarme, Revue Incise...), des intellectuels, des universitaires et des artistes. Il y sera question d'actualité brûlante : l'état d'urgence, la guerre en Syrie, la loi sur le travail...

Et vous ouvrez le festival avec Jean-Christophe Bailly...
C'est un écrivain, un philosophe et un éditeur emblématique du monde de la revue. Il a lui-même dirigé deux revues importantes (Fin de siècle et Aléa), il a beaucoup écrit dans les revues et en est un grand lecteur. Il présentera une sorte d'autoportrait en homme de revue, parlant de sa relation particulière à ce médium, de la manière dont la revue a pu structurer sa pensée. Et dialoguera avec Jean-Luc Para, directeur d'Europe qui lui consacre un dossier dans son numéro de juin prochain.

Livraisons
Festival de la revue
Au musée des Beaux-Arts, à l'École Nationale supérieure des beaux-arts et aux Subsistances du 12 au 15 mai 

Hippocampe

Gwilherm Perthuis dirige aussi la revue trimestrielle Hippocampe (arts visuels, philosophie, littérature), dont le dernier numéro vient de sortir avec une énigmatique couverture extraite de Mulholland Drive de David Lynch.
Derrière le rideau bleuté du photogramme, on trouvera un dossier consacré à l'écrivain argentin Alain Pauls (auteur notamment du roman Le Passé), et un autre dossier plus surprenant sur le thème de la... fureur. De la fureur meurtrière aux furies créatives de Dada ! Le numéro est émaillé encore d'un essai de Muriel Pic sur l'auto-observation littéraire d'Henri Michaux, d'un retour sur l'œuvre méconnue de la performeuse d'origine cubaine Ana Mendieta (1948-1985), d'un portfolio de la peintre Natalia Ossef, et de nombreux récits ou poèmes... 
La revue Hippocampe se déclinait déjà en un journal critique d'actualité culturelle et deviendra bientôt, annonce Gwilherm Perthuis, une maison d'édition.


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