Court (En instance) : l'Inde sans complaisance

de Chaitanya Tamhane (Ind, 1h56) avec Vira Sathidar, Vivek Gomber, Geetanjali Kulkarni…


On est rarement déçu lorsqu'un cinéaste glisse ses caméras dans un prétoire, que ce soit pour un documentaire ou une fiction. Car un tribunal réunit en vase clos un condensé de la société dont il défend les intérêts ; les affaires qu'il juge témoignent de ce qui est considéré comme délinquance par un pays, et reflète le degré de liberté publique dont jouissent ses habitants. Une cour est donc, toute spectacularisation mise à part, un puissant révélateur.

Sortant sur les écrans quelques semaines après le décevant La Saison des femmes, Court (En instance) ne se dissimule pas derrière le folklore pour affronter des questions dérangeantes. À travers un procès découpé en plusieurs audiences, il montre une Inde sans complaisance où perdurent des lois obsolètes datant de l'ère Victoria ; où des instructions fragiles peuvent être truquées par la police avec la bénédiction du ministère public, où les magistrats exercent un pouvoir discrétionnaire. Entre chaque session (on devrait dire “coup”, comme aux échecs, tant la défense et l'accusation donnent l'impression de jouter), Chaitanya Tamhane nous fait suivre en pointillés des épisodes de la vie privée des protagonistes de cette représentation judiciaire.

Il nous en apprend davantage sur l'enjeu politique, mais aussi personnel du verdict : si pour la procureure, l'aspiration à la vérité pèse moins lourd que l'ambition de promotion, on comprend qu'elle est mue par une nécessité. L'avocat, de son côté, n'a pas eu grand mérite à défendre la liberté d'expression en naissant avec une petite cuiller en argent dans la bouche. Autant d'éléments permettant au spectateur de relativiser avant de rendre son jugement, en son âme et conscience.


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