Françoiz Breut dans l'espace

Avec un album léger comme l'air, baptisé Zoo, Françoiz Breut livre un nouveau chapitre d'une cartographie des sentiments en forme de contes de fées valant tickets pour l'infini étoilé.


Les amateurs de cette Miss courant d'air, passant comme le Brr de son nom dans nos oreilles depuis plus de 20 ans, ne le savent que trop bien : la discographie de Françoiz Breut est pour une large part une cartographie spatio-temporelle étalée sur 20 à 30 000 jours. Françoiz aime les lieux, les villes (Portsmouth, Tarifa, Bruxelles...), y compris les villes allongées sur le dos, les terrains plus ou moins vagues, les ravins et les routes, peut-être parce qu'elle aime avoir La vie devant soi autant que derrière et par dessus tout avoir Le don d'ubiquité.

C'est parce que d'une certaine façon et d'une façon certaine, la jeune femme est toujours dans La Conquête, titre du morceau qui ouvre son dernier album, Zoo, au texte sibyllin et cosmique, l'amour « qui brille comme une étoile énigmatique où la lumière ne s'éteint jamais ». Conquête spatiale car pour emballer cet univers d'où bruine la poussière d'étoiles, il y a la production de l'astronome de Porstishead, Adrian Utley, oscillant entre trip-hop vaporeux, doux dub aux résonances western (Loon-plage) et atmosphères à la Danny Elfman, compositeur attitré de Tim Burton.

Comme une bulle

Cela tombe bien car Françoiz qui a signé la pochette de l'album est, comme Burton à ses débuts, illustratrice et semble à l'entame du morceau Morlocks (chanté en Allemand) feuilleter les pages d'un livre de contes. Ce que l'on retrouve aussi chez elle de burtonien c'est cette étrange naïveté teintée de cruauté (caractéristique qu'elle a longtemps partagé avec Dominique A), cet éloge de la noirceur que qualifie si bien La Danse des ombres (« dans l'obscurité sont cachées toutes sortes de nuances, de tons inespérés »); « cette araignée dans la tête » que les deux semblent partager et qu'elle évoque dans Zoo, chanson titre en recension du bestiaire qui habite la chanteuse, vitrine insolite d'une « vie qui est un cirque et d'un corps qui est un zoo », « papillons dans le ventre », « éléphant sur les dents ».

Même quand il s'agit de compter ses abattis, Françoiz Breut continue de se cartographier quitte, avec le capitaine Utley aux commandes, à délaisser la terre pour des contrées lointaines et inexplorées, d'aventures intérieures en expéditions intersidérantes (Écran Total, À Pic, Le Jardin d'Eden). Il faut dire qu'avec cet album léger comme une bulle, rien ne va mieux à cette terrienne de toujours, cette voyageuse horizontale, que de défier la gravité, à tous les sens du terme.

Françoiz Breut + Elysian Fields
À l'Épicerie Moderne le mercredi 25 mai

Chants Elysian

Du Jardin d'Eden conté par Françoiz Breut au Champs-Elysées mythologiques auxquels Elysian Fields emprunte son nom, il n'y a sans doute pas si loin. Des atmosphères fantomatico-cosmiques de la première au titre de l'album des seconds, Ghosts of No, sans doute non plus. Quand à ces atmosphères vaporeuses, sans dire qu'elles sont jumelles, elles sont du moins cousines (chacun ayant à un moment croisé la route de Calexico). Né il y a 20 ans, le folk-jazz tripant (on préfère le côté folk) d'Elysian Fields surprend moins qu'à l'époque de Star, mais la vénéneuse Jennifer Charles et le sorcier Oren Bloedow savent toujours distiller, c'est le mot, leur inquiétante étrangeté comme personne.


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