"Chunky Charcoal" : la carte des méandres de Sébastien Barrier

Se perdre pour tenter de se trouver un peu. À la veille de sept heures consacrées au vin (Savoir enfin qui nous buvons), Sébastien Barrier livre une autre performance, convaincante, Chunky Charcoal, du nom de cette craie grasse, matière première du spectacle.


Partir de soi. Y revenir. C'est l'histoire d'un spectacle dont le début est sa genèse même. Un dimanche à Calais, Sébastien Barrier a joué. Allait-il pouvoir le refaire le lendemain ? Mystère. Partir aussi des origines géographiques, celles de Benoît Bonnemaison-Fitte, son acolyte, craie à la main, issu d'Aurignac, berceau de l'humanité qui permet de faire une boucle avec ce temps présent si bien occupé — rempli — par eux et la grande Histoire, la nôtre, celle de nos ancêtres.

Et il y a Gus, ce « chat incompétent » et Nicolas Lafourest, musicien indispensable à l'équilibre de ce travail acrobatique et physique. Leurs propos pourraient être un fouillis entassé sous la logorrhée incessante et d'une maîtrise vertigineuse de Sébastien Barrier ou sous les mots écrits au charcoal de l'autre. Dans ce flow, foutoir très trompeur, il est question de la perte qui s'accorde, de façon étonnamment émouvante, avec le pucelage, l'honneur, la raison, le temps, la conscience, les eaux, la connaissance. Voire tout. Et aboutit à un long poème parfaitement articulé.

Sérendipité

Sombre. Le spectacle est noir comme cette craie dont use le plasticien sur une gigantesque feuille de 9 mètres sur 3. Mais il n'est jamais exempt de drôlerie, ne serait-ce que par les labyrinthes qu'il emprunte et cette étrange toile qui se dessine à l'arrière comme un cerveau irrigué à l'infini, jusqu'à frôler la surchauffe. Sans certitude, Barrier observe le monde, ses addictions et ses contradictions, réglant au passage son compte — avec tendresse — au public de théâtre, adepte de cette messe bien peu encline à la diversité.

Alors loin de la parole des grands hommes, c'est le chat nomade qui s'est choisit Barrier pour compagnon (et non l'inverse) et l'écrivain méconnu Georges Perros qui donnent la dernière note de cet exercice de haut vol mené par un homme venu des arts du cirque et des arts de la rue. Barrier, parfaitement lucide sur son métier, retombe comme un félin sur ses pieds et opère avec finesse la jointure entre son travail et ceux à qui il s'adresse.

Chunky Charcoal
Aux Subsistances le vendredi 3 juin, dans le cadre du festival Les UtoPistes


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Port-au-Prince, dimanche 4 janvier