Phia Ménard, à corps retrouvé

Face à l'étourdissante somme de propositions artistiques de très grande quantité qui émanent de toutes parts dans ce prélude estival à Lyon, il y a cet OVNI bouleversant, devenu un classique dès sa création en 2011, "Vortex". Session de rattrapage obligatoire.


Toujours faire preuve de modestie. Oui parfois, alors même que cela a fait le tour de la France (et plus) et est déjà passé par Lyon (les Subsistances), il est possible de rater un chef d'œuvre tel que Vortex. C'est pour palier ce type de manquement que le TNG peut être fier de faire revenir Phia Ménard. C'est un spectacle dont il ne faudrait rien dire et ne surtout pas voir la moindre image au préalable. Car de quoi s'agit-il ? Une mue. Quelqu'un, déformé par sa rondeur superficielle, vient nous parler sans le moindre mot de transformation. Phia Ménard – Philippe par le passé – est circassien-jongleur.

Sans livrer une pure œuvre de jonglage, il y a ici d'évidents résidus de cette dextérité à manier les éléments, à jouer de la force de l'air. En 2008, elle avait créé au sein de sa compagnie Non nova un processus de recherche I.C.E. pour Injonglabilité Complémentaire des Éléments. S'en est suivie la création de P.P.P., travail autour de la glace et donc ensuite celui-ci, autour du vent. Vortex est un diptyque qui se décline pour les enfants avec L'Après-midi d'un foehn, pièce première à cette double production. Dans les deux, le plastique constitue la seule matière palpable de jeu. Omniprésent dans la société, polluant à l'extrême et menace pour les générations futures, il devient source de fascination et d'émancipation.

Vents contraires

Oui Vortex touche à l'émerveillement. Bien que toute la magie (au sens littéral) soit éventrée sur le plateau où tout se fait à vue, la puissance du spectacle est intacte. Car Phia Ménard, sur une scène circulaire, sans coin pour se planquer, avec la force centrifuge de son plateau, a quelque chose de fondamental à nous montrer : naître à soi-même.

Tout passe et émane du corps et uniquement cela. Diverses images métaphoriques traversent cette heure comme la cavité de la gestation, la bile qui se crache à l'infini, l'accouchement mais jamais de façon réaliste donnant à l'art ce pouvoir immense de dépasser le réel... Constamment vertigineux, Vortex rend compte, à travers le récit muet de cet humain-là, autant de la violence que de la douceur du monde avec une simplicité désarmante et bouleversante.

Vortex et L'Après-midi d'un foehn
Au TNG jusqu'au 18 juin


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