Les arts transgressés aux 7 Collines

Festival majeur de la Loire et l'un des plus importants en Rhône-Alpes, Les 7 Collines reviennent avec une programmation très circassienne. Dans les propositions de cette 22e édition, focus sur deux artistes passionnants : le magicien sombre Yann Frisch pour Le Syndrôme de Cassandre et le trampoliniste Mathurin Bolze qui se dédouble dans Barons perchés.


Elle a les pieds dans l'eau, des bottes de Bretonne et elle se marre. La fille de l'affiche des 7 collines n'a pas l'air d'arpenter la Loire mais le festival semble la réjouir. Avec des tarifs bas (10€ ou 14€ le spectacle) et des mastodontes du cirque (notamment), chaque année cette manifestation se débrouille pour que des compagnies internationales fassent escale ici. Certaines viennent plusieurs fois. C'est le cas ces deux dernières années pour les 7 doigts de la main venus avec le trop bavard et pour tout dire raté, Cuisine et confessions l'an dernier, ou le beaucoup plus sportif Séquence 8 juste avant. Cet été, c'est avec Mathurin Bolze que le festival renoue.

Aérien

Le circassien, déjà passé par là avec son cultissime Du goudron et des plumes en 2010 et le plus transitoire À bas bruit en 2013, présente Barons perchés. Encore tout frais (à peine une quinzaine de représentations depuis sa création cet automne), ce spectacle est en fait une réplique de Fenêtres, également au générique du festival.

Animé par le théâtre (figurant pour Jean-Paul Delore ou Bruno Boeglin), Mathurin Bolze est aussi adepte des gymnases. C'est donc le Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne qui l'alpague à la fin des années 90. Puis, pour une commande du Pôle national de ces mêmes arts du cirque de Cherbourg, la Brêche, il imagine, comme d'autres artistes conviés, une cabane à jouer. Dans la sienne, murs, plafond et sol sont renversés et toutes les surfaces deviennent matière à rebonds. Cette forme de quinze minutes deviendra la première création de sa compagnie joliment nommée mpta (pour les pieds, les mains et la tête aussi) en 2002.

Récemment Mathurin Bolze rencontre Karim Messaoudi lors d'un atelier autour du trampoline, cet agrès si particulier et maîtrisé professionnellement par seulement une dizaine d'artistes en France et lui transmet sa pièce fondatrice à laquelle il souhaite apporter un contrepoint. Ce sera Barons perchés dans lequel il embarque son nouveau complice. Cette fois, le titre du roman d'Italo Calvino qui a servi de base à cette double aventure est nommé.

Dans une nuit bruissante d'insectes — magnifique bande-son qui fait croire à une mare de grenouilles dans les environs — Barons perchés ressemble à la chambre d'un enfant curieux qui chercherait à découvrir les propriétés de son environnement : à quoi l'on s'accroche, où l'on se cache, comment on prend de la hauteur. Cette dualité/complicité obligent les circassiens à être deux fois plus vigilants dans leurs déplacements pour tenir la fluidité qui émane de leur travail de précision. Car le trampoline, comme de nombreuses autres disciplines, demeure une activité dangereuse ; le moindre faux-pas peut être sanctionné par un accident. Le talent de Mathurin Bolze et de Karim Messaoudi est précisément de nous le faire oublier durant une heure par leur capacité à inventer un récit muet et des figures.

Souterrain

Dans un genre complètement différent et naissant,  Yann Frisch émeut aussi. Magicien, champion du monde de la discipline avec un numéro de balles qui a fait le tour du net (Baltass), il endosse dans Le Syndrôme de Cassandre un vrai personnage, très sombre mais pas funèbre tant persiste une certaine malice.

Un clown ne serait là que pour enfiler des blagues auxquelles le public rit sans les croire ? Yann Frisch va à l'encontre de cet acquis et bouscule son auditoire, notamment dans une scène finale désarmante. Tentant à maintes reprises de refaire son numéro vu-à-la-télé (chez Patrick Sébastien), c'est en fait quand il entame un duo avec une marionnette toute fripée (sa mère) qu'il touche au plus juste : il parvient à mettre son talent de prestidigitateur au service d'une réelle émotion. La normalité du clown est sa quête, qui est aussi une réflexion plus poussée sur la propre capacité de chacun à se laisser surprendre. Yann Frisch n'a que 25 ans et invente déjà un spectacle à la croisée du théâtre, du cirque et de la magie. Grandiose.

Festival des 7 collines
Dans la Loire du 29 au 10 juillet

Notre sélection

Barons perchés au Firmament (Firminy) le jeudi 30 juin 
Fenêtres au Firmament (Firminy) le vendredi 1er juillet 
Le Syndrôme de Cassandre à L'Echappé (Sorbiers) les jeudi 7 et vendredi 8 juillet 


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