Les Vies de Brian Jonestown Massacre

Est-ce parce qu'il a connu une vie faite d'excès et qu'on ne l'imaginait pas passer les christiques 33 ans que l'on n'a longtemps cessé de présenter chaque album d'Anton Newcombe, comme celui de la rédemption pour ne pas dire de la résurrection ? C'est peut-être surtout parce que lui-même, chantre de l'autodestruction, a fini par souscrire à cette idée.


« Je suis mort, je suis mort, alléluia, chantez ma résurrection » énonce sur Philadelphie Story une Soko qui affirme marcher sur des épines. Reprise d'un William Sheller période cosmique, elle figure sur un album intitulé Musique de Film Imaginé, BO de film français mais sans film, signée... Brian Jonestown Massacre. Mots dits par Soko, chanson de Sheller, concept hors-sol, mais Newcombe en ventriloque. À la sortie de Revelation, écrit sur fond de fin du monde 2012, ce dernier évoquait son prédécesseur, Aufheben, sorti lui l'année de l'Apocalypse avortée, en précisant que ce mot allemand, "Aufheben" signifiait à la fois « détruire, reconstruire et préserver. »

Écho inconscient à la carrière de Brian Jonestown Massacre : la destruction ambitionnée du système en général, de l'industrie du disque en particulier, un écrasement de la concurrence à coups de génie, et de soi-même à coup de dope. Cette période, destructrice, fut paradoxalement la plus créative du groupe (six ou sept disques de 1995 à 98, tous les classiques du groupe). Un film, Dig !, sorti en 2004, a mis en boîte l'épopée à retardement et de manière caricaturale (mais jouissive) donnant paradoxalement un second souffle à un groupe pathétiquement éparpillé.

Préservation

On s'arrache alors enfin ses albums, que Newcombe "donne" sur le net comme pour mieux rebâtir sur une tabula rasa. Nouveau label, le sien, nouvelle musique plus atmosphérique parfois (Aufheben), plus expérimentale souvent (Musique de film..., My Bloody Underground), nouvelle ville (Berlin). Et surtout nouvelle vie (Anton est sobre et élève un petit Wolfgang). Car sans préservation, la reconstruction eut été vaine. Et c'est ainsi qu'on se retrouve.

Comme un symbole, le dernier EP du groupe Mini Album Thingy Wingy revient aux fondamentaux, en un concentré de newcombisme, ancien — de "simples" chansons emballées de psychédélisme arrosé au pastiche — et nouveau — on poursuit la coquetterie du chant dans d'autres langues, ici, après l'islandais, l'allemand, le suédois, le français, le slovaque.

En pochette, la trombine filtrée de rouge de Brian Jones ressurgissant tel le fantôme de l'opéra rock. Et en guise de déclaration le vers suivant « I'm on a high, don't bring me down ». Reconstruit, presque revenu aux sources (une reprise vibrante du Dust de 13th Floor Elevator, un mash-up beatleso-doorsien sur Here comes the Waiting for the Sun) : ne comptez pas, pour s'autodétruire à nouveau, sur un Newcombe trop occupé à chanter sa propre résurrection. Toute sortie de route est maintenant définitive.

The Brian Jonestown Massacre
À l'Épicerie Moderne le mardi 28 juin


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