Jeunesse

de Julien Samani (Fr, Por, 1h23) avec Kévin Azaïs, Jean-François Stévenin, Samir Guesmi…


À force, les cinéastes devraient savoir que transposer un roman de Joseph Conrad dans le monde contemporain n'est pas sans risque : Welles s'y était cassé les dents et Coppola a failli y perdre la raison (avant d'accoucher, il est vrai, d'un chef-d'œuvre monstre). Peu superstitieux, Julien Samani s'est jeté à l'eau en portant à l'écran Jeunesse, un récit partiellement autobiographique, qui devient hélas une chronique initiatique aussi vague que démodée. Comment croire qu'en 2016, un jeune gars puisse traîner sur un port dans l'espoir d'embarquer sur un cargo pour aller faire fortune en Afrique ? Comment admettre qu'un matelot novice devienne en l'espace de deux séquences et un regard distrait sur son manuel, un sous-officier expérimenté ?

Pour faire “authentique”, sans doute, Samani ranime des figures légendaires : le vieux capitaine, loup de mer roublard et éthylique (campé par un Stévenin en mode Haddock) et son lieutenant, incapable de se départir d'un rictus patibulaire comme de son cure-dent (on plaint les gencives de Samir Guesmi), ainsi que de la contrebande pour donner du piment, à défaut de sel marin. Mais ces repères éculés ne remplacent pas une histoire plausible, ni une vraie continuité : ici, le scénario donne l'impression d'avoir pris l'eau et égaré quelques pages en empruntant la chaloupe de sauvetage.


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