La Métamorphose

Ex-punk rocker, devenu plus countryman que la country, le cow-boy canuck Daniel Romano a opéré une nouvelle mue musicale avec Mosey, grand œuvre de westernades pop folk fait d'arrangements grandioses et de croisements esthétiques.


On a connu le dénommé Daniel Romano s'affichant en photo ou en pochette d'albums — son Come Cry with me en tête — en costumes tissés façon tapisserie à motifs floraux, complet de countryman d'un autre âge (sans doute dérobés en douce dans la garde-robe épileptique de Porter Wagoner), surplombé d'un Stetson, d'une moustache et d'une lavallière rose hésitant par politesse entre le fuchsia et le bonbon.

Ainsi attifé comme le fantôme de l'Opry (Nashville, Tennessee), le Canadien (il n'est même pas Américain) déroulait une country ad hoc, entre clonage d'Hank Williams et meta-country en ratatouille, et fameuse avec ça, de George Jones, Merle Haggard, Johnny Cash et many consorts. Et à l'aquoibonisme possiblement généré par cette démarche d'antiquaire musical, Romano répondait d'abord par son sens aigu du songwriting. Peu importe le style, le but c'est de mettre dans le mille, dit le cow-boy.

Précipité

Il le prouve sur son dernier disque en date, le récent Mosey, sur lequel il retourne tant sa veste qu'il finit par la faire disparaître. Le voilà en jogging Adidas et tignasse à Dylan. D'entrée, il faut l'admettre, Romano a changé de style — avant cela, il sortait de plusieurs années de collectivisme power-pop et punk-rock avec les très engageants Attack in Black — mais sûrement pas de talent.

On ne reconnaît certes plus grand chose de l'If Only I've one time askin' qui avait précédé ce Mosey, précipité pop western psyché qui convoque aussi bien Morricone que Syd Barrett, Dylan (I'm Alone Now, bouleversant) que Lee Hazlewood, Leonard Cohen ou Gainsbourg (Toulouse).

En plus des chansons, des arrangements hauts de gamme et tout le tintouin, Romano a cette faculté de conduire sa voix du nasillard Dylano-springsteenien le plus déchirant (la ballade One Hundred Regrets Avenue et son piano à la Randy Newman) à des graves casho-hazlewoodiens littéralement éventreurs (les joueurs Mr. E. Me ou Sorrow (for William & Leonard)). Mosey, ou la preuve que ce qu'il fallait voir sous ces costumes « of many colors » (pour reprendre Dolly Parton), ce n'était pas tant la marque du countryman que celle du caméléon.

Daniel Romano
Au Sonic le mardi 13 septembre


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