L'âge des possibles

Même si les jeunes chorégraphes ont encore du mal à se faire une place à l'ombre de leurs aînés, la saison danse 2016-2017 s'annonce ouverte, riche et diverse. La fraîcheur des idées n'y sera pas forcément fonction de l'âge du capitaine...


Directrice de la Maison de la Danse et de la Biennale de la Danse, Dominique Hervieu répète à l'envi et avec courage en ces temps de budgets culturels en berne, sa volonté d'accompagner et de stimuler la création chorégraphique. Un nouveau lieu est en cours d'élaboration et de réfection dans l'enceinte de l'ancien Musée Guimet... Reste qu'en jetant un regard rapide sur sa programmation et sur celles de ses confrères, on ne peut s'empêcher d'avoir un sentiment de déjà vu, voire de réchauffé.

C'est par exemple "l'archipel" de la Maison de la Danse consacré à Angelin Preljocaj, qui depuis plusieurs années se consacre davantage à l'esthétisme clinquant qu'à l'innovation. C'est la compagnie japonaise Sankai Juku qui viendra fêter ses quarante d'ans d'existence à la Maison de la Danse, alors qu'elle n'est plus que l'ombre de l'ombre d'elle-même, et plombe ce genre fascinant qu'est le butô en le singeant en pathos décoratif.

C'est encore le Ballet de l'Opéra qui s'associe, pour trois ans, avec Jiri Kylian... Un génie de la fluidité du mouvement certes, mais aura-t-il l'énergie d'un Emmanuel Kant, capable à soixante-dix ans de remettre totalement en question sa propre pensée avec La Critique de la faculté de juger ? Au Radiant, les plus nostalgiques d'entre vous pourront aussi voir Marie-Claude Pietragalla... En novembre, les Subsistances feront trois pas en arrière pour un curieux best of de pièces de danse et de théâtre (Phia Ménard, Les Chiens de Navarre...) qu'elles ont accueillies par le passé.

Une autre génération

Une génération en-dessous, et même s'ils tournent régulièrement sur les scènes françaises, nous serons heureux de retrouver ces chorégraphes dont l'âme créative bouge toujours. Tel Jérôme Bel qui présentera à la Maison de la Danse sa dernière pièce, Gala, et une autre plus ancienne, Cédric Andrieux. Dans la lignée de The Show must go on, Bel poursuit dans Gala sa déconstruction joyeuse du "théâtre" et sa mise en avant des singularités individuelles, professionnelles ou amateurs.

La deuxième édition du festival des Subsistances, Le Moi de la Danse, sera lui aussi l'occasion de retrouver des chorégraphes qui nous passionnent : la fougueuse Maud Le Pladec, le Suisse Thomas Hauert et l'électron libre de la danse française, Boris Charmatz... Nouvelle édition aussi du festival Sens dessus dessous à la Maison de la Danse avec des figures déjà connues (le circassien-poète Yoann Bourgeois notamment) et de jeunes chorégraphes engagés comme l'Israélien Arkadi Zaides ou la Rwandaise Dorothée Munyaneza...

Un autre esprit

À la Maison de la Danse, on retiendra encore trois temps forts signés par des chorégraphes en pleine ascension. Creusant le sillon de la danse-théâtre inaugurée par Pina Bausch, la canadienne Crystal Pite présentera Bretoffenheit, pièces pour six danseurs entre cabaret clownesque et virtuosité technique à la William Forsythe.

Dans un registre beaucoup plus cérébral et retenu, l'israélien Emmanuel Gat reprendra sa version du Sacre du printemps (2004) et dévoilera un nouveau duo. Rigueur et minimalisme sont aussi la marque de fabrique du Tao Dance Theater, compagnie chinoise inédite à Lyon.

Enfin, afin de ne pas paraître trop gérontophobes, signalons avec enthousiasme la venue à Lyon de l'Américaine Lucinda Childs qui viendra créer pour le Ballet de l'Opéra une Grosse fugue sur la partition de Beethoven. « Ce n'est pas de l'art que de faire une fugue : j'en ai fait par douzaines, à l'époque de mes études. Mais l'imagination réclame aussi ses droits ; et aujourd'hui, il faut qu'un autre esprit, véritablement poétique, entre dans la forme antique »  déclarait à la fin de sa vie Beethoven à un ami violoniste.

 


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