Little Big Man : “J'ai été un Indien, moi, monsieur !”


Au moment où Sergio Leone redéfinissait — en Europe de surcroît — la forme canonique du western, Arthur Penn contribuait avec Little Big Man (1970) à renverser la table hollywoodienne en contestant la version édulcorée du récit national étasunien colportée par les dogmes et les poncifs de ce genre héroïque. Sous ses dehors de comédie d'aventures bariolée, cette saga apparaît comme révolutionnaire à plus d'un titre.

Parce qu'elle donne des Américains natifs une représentation positive — ils ne sont plus ces éternels sauvages violents et braillards ; ces agresseurs ignares du Blanc, mais les détenteurs d'une culture, occupants légitimes d'un territoire envahi par des colons belliqueux. Et qu'elle ne prend pas un vainqueur pour héros, mais un jouet fragile du destin (à l'instar, plus tard, du protagoniste de Slumdog Millionnaire) : en l'occurrence Jack Crabb, visage pâle de plus de 120 ans racontant une existence tumultueuse dans l'Ouest, faite d'allers-retours entre son monde d'origine et la tribu cheyenne l'ayant adopté.

La longévité exceptionnelle de Crabb (avant que Jeanne Calment ne le surclasse) range d'emblée le film dans le registre absurde et parodique. Mais la dérision est ici, comme pour Mark Twain, un véhicule malicieux permettant d'aborder de biais des sujets sensibles : le génocide des Amérindiens, le puritanisme, le rapport névrotique aux armes à feux, l'avidité… Aussi convainquant dans les mocassins d'un guerrier que dans les bottes d'un naïf (et réciproquement), Dustin Hoffmann trouve un rôle adapté à ses talents de caméléon. En bonus, il se fait même “chauffer” par Faye Dunaway, trois ans après avoir été initié par une autre actrice de Penn, Ann Bancroft, dans Le Lauréat… Plus qu'un monument : un totem.

Dans les salles du GRAC jusqu'au 2 octobre


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