Happy child en demi-teinte

Pièce bancale, captivante puis opaque, Happy Child est la première des quatre œuvres que présente Nathalie Béasse au Point du Jour d'ici fin 2016. Découverte.


Une boite crème cernée de grands rideaux de velours. Un homme qui traîne de lourds sacs dont on ne saura jamais le contenu. Puis ils déboulent à deux, trois, quatre, cinq. Si les liens qui les unissent restent inconnus, ils se connaissent manifestement depuis longtemps : accolades, frictions, détente. C'est chaleureux puis abrupt et drôle. Nathalie Béasse manie à merveille ces instants de bascule. Elle attrape les détails, n'installe pas de longueur, laisse exister une phase de jeu au deuxième plan quand l'action principale est à l'avant.

Ce serait presque un rassemblement tcheckhovien devant une cerisaie décrépie, d'autant que la clarté du décor évoque le froid et la neige russe. Et les mélodies échappées du piano donnent l'illusion de faire surgir la joie ; la courte séquence épistolaire et le solo déguingandé sur Tindersticks, ou la scrutation des gestes tendres (une main qui glisse dans le dos de la pianiste avant qu'elle ne décolle du sol) achèvent de conférer à cette première demi-heure (sur 1h15) une douce sensation d'un monde au bord du précipice mais toujours debout. C'est captivant, envoûtant et impeccable. La suite tend nettement plus vers le vide.

Tanze samba mit mir

Nathalie Béasse, formée aux arts visuels (Beaux-Arts) puis à l'art dramatique (CNR) à Angers a gardé de ses études une capacité à créer une esthétique marquante, ici harmonieuse, ancrée dans les 70's façon Ozon et Gouttes d'eau sur pierres brûlantes, piochant, comme le cinéaste, des références allemandes et des chansons qui unissent sa tribu. Mais des failles étranges qui constituent ses personnages attachants, Béasse fait des trous noirs, des scènes abscones dans lesquelles les poncifs d'un théâtre soi-disant moderne (Chiens de Navarre en tête) ne nous sont pas épargnés : acteurs mimant un animal, séance d'habillage, déshabillage (quoiqu'on échappe à la très convenue nudité), empilage de chansons, mauvais goût jusqu'à un exercice d'acrobatie virant au beatbox.

Le problème n'est pas tant que la narration échappe – elle n'est pas un présupposé au théâtre surtout lorsqu'il se mêle de danse comme ici – mais que les personnages soient de plus en plus désincarnés jusqu'à ne plus être que des pantins. Reste désormais à découvrir, avec trois spectacles à venir, comment le travail de cette metteuse en scène a évolué depuis cette création datant de 2008.

Happy child 
Au théâtre du Point du Jour jusqu'au jeudi 15 septembre


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