De l'art de l'insolence

Le photographe Jérémy Suyker revient de Téhéran avec une série d'images sur les difficultés et la richesse de la créativité sous la censure du régime. L'insolence y est un mode de la liberté.


« Jamais nous n'avons été aussi libres que sous l'occupation allemande », écrivait, provocateur, Jean-Paul Sartre en 1944... L'Iran n'est pas un pays occupé, certes, mais la censure y pèse de son poids qui n'est pas de plume, sur la création artistique. Le ministère de la Guidance islamique (équivalent du ministère de la Culture) soumet toute pièce de théâtre à son autorisation préalable, interdit aux chanteuses d'enregistrer un disque, hommes et femmes ne peuvent pas se toucher entre eux sur scène...

Malgré cela, la vie créative bouillonne toujours à Téhéran, jouant avec les limites du permis, bricolant des systèmes D, contournant la censure. C'est ce que montre le projet photographique de Jérémy Suyker, exposé à l'Atelier Item et publié dans la revue 6 Mois, intitulé Les Insolents de Téhéran.

Rester à l'ombre

Né à Paris en 1985, journaliste de formation, Jérémy Suyker s'intéresse à l'Iran depuis 2013, après avoir réalisé des reportages sur la guerre civile au Sri Lanka et sur les remous démocratiques en Birmanie. Pendant plusieurs mois, le jeune photo-reporter a rencontré de nombreux artistes à Téhéran : des danseurs, des gens de théâtre, des musiciens... Et sa série d'images, soigneusement composées, montre des artistes, en train de travailler ou en représentation, dans des appartements, des lieux undergrounds, voire une vaste et impressionnante grotte...

Si parfois les manifestations sont autorisées, tout se passe un peu "dans l'ombre" à Téhéran, dans des lieux marginaux, comme le soulignent aussi les clair-obscurs et les dominantes noires des images de Jérémy Suyker. Intéressé autant par la forme que par le fond de ses sujets, le photographe cherche, comme beaucoup de ses collègues, des voies nouvelles de production, de diffusion et de formalisation du photo-reportage, s'éloignant du journalisme factuel traditionnel. La fenêtre qu'il ouvre sur la création à Téhéran est à la fois informative et artistique.

Jérémy Suyker, Les insolents de Téhéran
À l'Atelier Item dans le cadre du festival Septembre de la photographie jusqu'au 19 octobre


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