Auguri : ça tourne !

Olivier Dubois a secoué la Biennale de la Danse avec sa nouvelle création : une pièce aussi puissante qu'asphyxiante.


Lundi, nous avons découvert le film d'Alain Guiraudie, Rester vertical. Jeudi, la nouvelle création du chorégraphe Olivier Dubois, Auguri (entre-temps, Christian Rizzo et Rachid Ouramdane avaient lancé à la Biennale un nouveau courant chorégraphico-dentaire : celui de la "danse creuse"). Lundi, nous nous sommes un peu ennuyés, jeudi pas une seconde. Pourtant, nous défendrions plus facilement le film de Guiraudie que la pièce, toute en surplomb, de Dubois...

Les deux œuvres jouent sur des trajectoires circulaires, sur des éternels retours qui tentent de relancer, à chaque "tour", un nouveau désir ou un nouveau pan de condition humaine. Sur une bande son techno dramatique, Olivier Dubois fait courir, en cercle et à toute allure, ses vingt-quatre danseurs, avec des entrées et des sorties réglées au cordeau, des rythmiques effrénées impressionnantes, et un sens de la scénographie et de la dramaturgie sans déchet. Le tout se terminant (oui, rappelons-nous de ce que Jacques Rivette disait du travelling de Kapo) sur une scène de charnier esthétiquement superbe !

Bricolage

De quoi nous parle Dubois ? De l'urgence à vivre, de la quête éperdue du bonheur et de notre finitude. Soit la moelle de la moelle de l'idée même de tragédie. Il nous engouffre là-dedans à toute allure, sans pause et, surtout, sans respiration. On étouffe, on s'asphyxie dans un trip chorégraphique "classe" et sans bavure. Un shoot dont on ressort ébahis, étourdis, éberlués.

Guiraudie, au contraire, propose de nouvelles manières de désirer hésitantes, des rencontres incongrues, des phases dépressives se transformant en métamorphose de soi sur une simple pichenette de l'imagination ou du hasard... La vie est tragique aussi chez Guiraudie et ses personnages bricolent avec leur destin, construisent des choses fragiles, inattendues, drôles... Ils proposent, ils ouvrent. On peut s'ennuyer parfois, mais ce n'est pas grave, parce que ça respire, ça invente, ça ne nous regarde pas de trop haut, ça n'écrase pas le désir et la subjectivité. Et nous préférons ce vide accueillant au trop plein saturé de Dubois. La pulsion de vie à la pulsion de mort.


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