Chronique d'une Biennale : Tabernacle !

Encore bien des déceptions pendant cette dernière semaine de Biennale de la Danse. Mais une belle surprise nous a permis de rapidement les oublier : Catherine Gaudet et sa danse viscérale venue du Canada.


Lancé par Christian Rizzo et Rachid Ouramdane, le courant que nous avons choisi de nommer la "Danse creuse" a fait cette semaine encore des émules : Cécilia Bengolea & François Chaignaud présentant une sorte d'étape de travail sans consistance, et, surtout, l'américain Jonah Bokaer aux pièces hiératiques dénuées de tout soupçon de chorégraphie ou d'intensité physique...

De l'intensité et du corps, il a fallu en chercher au Québec avec l'étonnante pièce de Catherine Gaudet, Au sein de nos plus raides vertus (2014)... Pas besoin d'être grand linguiste pour deviner dans le titre même du spectacle quelques traits d'ironie libidineuse. Et c'est là, justement, tout le propos et tout l'intérêt du quatuor de Catherine Gaudet : comment dans un même corps, comment dans un même groupe (deux hommes et deux femmes confinés dans un espace scénique restreint et bien délimité), faire vivre, tressaillir, se frotter, s'entrechoquer des forces contradictoires, des polarités opposées. Bref, il s'agit ici rien moins que de danser, de crier, de parler, de chanter (toutes formes utilisées par la chorégraphe)... l'ambivalence !

Singulier pluriel

La pièce commence un peu lentement et nous avons craint au début que Catherine Gaudet ne se limite à des passages alternatifs ou à des contrastes un peu manichéens et faciles : du chant religieux éthéré aux entrelacs organiques au sol ; des caresses sensuelles à leur transformation en claques et coups sadiques... Mais après un quart d'heure de doutes, l'écriture de la chorégraphe et l'interprétation des quatre danseurs parvient à une autre dimension : comment montrer dans un même geste deux pulsions opposées, dans un même solo plusieurs personnalités, dans un même dispositif groupal toutes les nuances de la vie d'un groupe (de la bienveillance à la bestialité en passant par tant d'autres états du corps collectif)...

Cela passe évidemment par une incroyable capacité des danseurs à tordre, à désarticuler leurs corps ; à changer de registre expressif aussi ; à passer de la reptation à la station verticale et inversement en un clin d'œil... Et la pièce fait mieux encore en nous transportant dans l'histoire (on peut lire à même les corps différents "âges" : un âge médiéval, un âge zombie, un âge animal, un âge robotique...), et différents espaces sociaux (l'église, la fête entre amis, l'orgie, le club de danse, le Radeau de la Méduse...). Au sein de nos plus raides vertus est une pièce-monde, une pièce peuplée, une variation continue, un devenir incertain.


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