Elvis is in the Kitchen

Comédie sociale à l'humour corrosif, La Cuisine d'Elvis offre un savoureux mélange des genres entre la sitcom et le music-hall. La sauce prend grâce au jeu relevé des acteurs dirigés par Pierre Maillet.


A priori, le menu n'est pas très ragoûtant. Une famille disloquée par un accident : père paralytique, ado bourrue se réfugiant dans la bouffe, mère fuyante amourachée d'un jeune pâtissier au magnétisme surligné. Tous les ingrédients du pathos contemporain sont réunis et pourtant. La magie de l'écriture faussement naïve de Lee Hall opère, avec cet humour british qui pimente la saveur des échanges les plus fades. Le tout émaillé de moments oniriques où le paralytique, ancien sosie d'Elvis,  se mue en bête de scène dans un décor de music hall.

Métaphore des excès de notre époque

« Comédie dramatique à intervalles musicaux » ou « cabaret tragi-comique » comme la désigne son metteur en scène Pierre Maillet, qui joue aussi le rôle du père dans la pièce, ce spectacle hybride se veut aussi une métaphore des excès de notre époque. Le rapport compulsif à la nourriture incarné à la fois par le mal-être de l'adolescente, mais aussi par l'image tutélaire d'Elvis, sex-symbol des années soixante qui a sombré dans l'obésité à la fin de sa vie. L'écriture anglo-saxonne emprunte les codes de la sitcom, mais déroge aux rôles convenus. L'adolescente que l'on traite de grosse ne l'est pas tant que ça, la mère "cougar alcoolique et anorexique" est surtout une prof quadra qui refuse de faire le deuil de sa vie amoureuse, et le jeune amant gigolo se révèle plus sensible que prévu… Surtout, on devine derrière le kitch apparent de leur mode de vie, une puissance passionnelle en ébullition sous un couvercle qui menace à tout moment de sauter.

La scénographie, signée Marc Lainé, offre une aération à ce huis clos, qui pourrait devenir écœurant dans les odeurs de cuisine (une vraie tourte en préparation pendant le spectacle) et les crises de boulimie de la jeune Jill (qui s'empiffre aussi véridiquement sur scène). Enfin, touche finale de la recette, la tension sexuelle est palpable entre une Cécile Bournay, crédible en ado empotée dans ses bourrelets, et un Matthieu Cruciani, beau-gosse pas si sûr de lui. 

La Cuisine d'Elvis, du mardi 11 octobre au vendredi 21 octobre à 20h, à la Comédie


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