Lumière bénit Hill

S'intéressant à tous les cinémas de patrimoine, le festival Lumière défriche un terrain quasiment vierge et a le bon goût de sortir du purgatoire des auteurs avant qu'il ne soit trop tard. Après le regretté Michael Cimino et Ted Kotcheff, c'est au tour d'un autre boss des années 1980 de se voir honoré à Lyon : Walter Hill.


Né en 1942, Walter Hill appartient à cette génération aussi dorée que cannibale ayant favorisé l'émergence d'un Nouvel Hollywood durant les seventies. S'il ne figure pas aujourd'hui au premier rang des “notables” universellement révérés et oscarisés, sa réputation comme son influence ne cessent de croître, en particulier du côté des amateurs de cinéma de genre et parmi ses jeunes confrères.

Auteur complet et respecté, Hill a connu ses principaux succès en tant que scénariste : c'est lui qui écrivit Guet-apens (1972) pour Peckinpah ou Alien (1979) pour Ridley Scott — plutôt contrariant pour quelqu'un se destinant à la profession de cinéaste. Or, à Los Angeles, le talent d'un metteur en scène se mesurant au nombre de dollars que ses films rapportent au box-office, Hill souffrait pour ses producteurs d'un manque de constance dans la réussite…

À toute vitesse

Son passage à la réalisation se fait pourtant sous de bons auspices avec Le Bagarreur (1975) : de l'action pure, un fond politique, des stars, des bénéfices… La jeune Isabelle Adjani se montre même séduite par ce coup d'essai : le film plaide en faveur de Hill lorsque celui-ci la sollicite pour endosser le rôle de la joueuse dans son projet suivant, Driver (1978). Une course-poursuite métaphysique, un jeu du chat et de la souris entre un pilote pour braqueurs hiératique (Ryan O'Neal) et un flic (Bruce Dern) ayant fait de sa capture davantage qu'une affaire personnelle : une obsession démente.

Flop outre-Atlantique, ce néo-polar épuré combine raffinement et stylisation plastiques ; sa trame a depuis inspiré le Drive de NWR, comme elle trouve de lointains échos chez Tarantino. Aujourd'hui encore,  Driver impressionne par son appréhension de la géographie urbaine nocturne, son efficacité dans le recours à la violence et ses poursuites aux pneus crissants impeccablement réglées — une réminiscence du passage de Hill sur le plateau de Bullitt comme assistant réalisateur, sans doute.

Hill renoue avec les ambiances de cités sombres l'année suivante dans ce qui constitue un autre film fondateur, Les Guerriers de la nuit (The Warriors, 1979). On y suit la traque des Warriors, accusés — à tort — d'avoir assassiné le leader charismatique du plus puissant des gangs de New York lors du rassemblement “œcuménique” de toutes les factions de la ville. Entre Chasses du comte Zaroff et Délivrance, cette lente progression dans le ventre de la Grosse Pomme a des allures de comics carrossé en jeu vidéo : à chaque territoire traversé correspond un “niveau”, avec un affrontement contre une bande rivale, chacune se distinguant par sa tenue baroque ou ses croquignolets maquillages.

Rythmé par une DJette diabolique, le film (toujours d'actualité, sauf au niveau vestimentaire), s'octroie une bonne audience parmi les marges et n'entame pas l'élan de Hill, lequel enchaîne aussitôt avec un western, Le Gang des frères James (1980). Genre emblématique de la geste américaine, il traite de ses rapports paradoxaux à la nature, à la violence et à la loi. Pour la première fois, Hill fait appel au glissando de Ry Cooder, confie pour l'anecdote les rôles des frères James, Younger, Miller et Ford à des comédiens authentiquement frères à la ville (les Keach, Carradine, Quaid et Guest) et se retrouve en compétition à Cannes. Suivra Sans retour (1981) un survival brillant où des militaires perdus dans les marais sont exterminés par des cajuns n'aimant pas être importunés par des troufions bas-du-front.

Un tel tir groupé aurait dû visser Hill aux sommets — d'autant qu'il se paiera le luxe de signer dans la foulée avec 48 heures (1982) le buddy movie faisant d'Eddie Murphy une star de cinéma. Las ! La suite des années 1980 lui fut moins fructueuse économiquement : l'échec commercial des Rues de feu (1984) le contraignit à tourner une comédie — Comment claquer un million de dollars par jour (1985) —, à consentir une suite à 48 heures

Une série de déconvenues et parfois de sévères avanies, mais qui ne lui fera jamais perdre la précieuse confiance des comédiens : Bruce Willis, Christopher Walken, Robert Duvall, Stallone (ou dernièrement Michelle Rodriguez et Sigourney Weaver dans (Re) Assignment qu'il a présenté en avant-première au Festival) continuent à tourner sous sa direction. Ils ont compris que le temps leur donnera raison.

Driver
Au CNP Bellecour le mercredi 12 à 20h et à l'UGC Ciné-Cité internationale le vendredi 14 à 20h30

Les Guerriers de la nuit
Au CNP Bellecour le jeudi 13 à 22h

Le Gang des frères James
À l'Institut Lumière le dimanche 16 à 11h30


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