Pethrol : « Le fond influe la forme et pas l'inverse »

Depuis plus de trois ans, Pethrol creuse quelques puits entre l'électronique et l'acoustique, le rythmique et le mélodique. Avec Figures, leur premier album, le groupe dévoile un véritable gisement d'or noir. À quelques heures de sa sortie, Héloïse, la chanteuse, est revenue sur l'évolution de son Pethrol.


Votre musique allie le côté brut de décoffrage, très industriel de l'électro et la douceur de ta voix, comme une plume posée sur une poutre d'acier. C'est ce contraste là que vous cherchez à créer ?
Héloïse Derly :
C'est difficile à expliquer. Ce contraste existe, évidemment. On en parle depuis le début du projet puisque Cédric et moi avons une culture différente, même si on se retrouve parfaitement dans Pethrol. Mais au delà de ce contraste, il y a surtout une recherche de texture musicale forte. Pour l'album, on a changé nos machines pour partir sur des sons complètement analogiques. On a cherché une texture, qu'on mêle à beaucoup de rythmes percussifs, métalliques, synthétiques. À mon sens, c'est surtout ça notre ambivalence, en plus de ma voix. Notre plus gros jeu, c'est avec les parties rythmiques sur lesquelles on travaille les polyphonies. Il y a des lectures différentes de notre musique. On veut que ça parle au plus grand nombre, que ce soit simple à écouter pour que tout le monde soit emporté avec nous. Mais on veut aussi que quelqu'un qui nous écoute plusieurs fois découvre les différentes strates. C'est là qu'apparaissent des choses un petit peu plus subtiles.

On retrouve dans votre musique des influences à la fois contemporaines (Rhye, RY-X) et d'autres un peu plus anciennes. Cette alliage de modernité et de vintage, c'est une volonté ?
Complètement, oui. Il y a déjà vingt ans d'écart avec Cédric. Il a pu m'apporter des références différentes. Lui a écouté des choses dans les années 1970-1980, moi je suis née dans les années 1990. Mes parents n'écoutaient que des musiques anglo-saxonnes. En revanche, nos premiers groupes à Cédric et à moi, c'était du métal. Ensuite je suis passé par ma période hippie, j'ai fait du ska au saxophone, j'ai eu plein de trucs. J'ai exploré beaucoup de styles de musique. Je n'ai simplement pas éveillée ma curiosité au rap. Cédric est très ouvert lui aussi. On aime bien aller puiser dans les chants africains, les musiques cubaines, les voix slaves. Tout ce mélange là fait Pethrol.

Vous avez récemment changé de parolier. Comment se traduit ce changement sur votre album ? Vous quittez l'onirisme pour le réalisme ?
On ne s'y retrouvait plus avec Guillaume (NdlR, leur ancien parolier). On voulait dire autre chose. C'est pour ça qu'on peut parler d'un nouveau Pethrol. Aujourd'hui, nos textes ne sont plus des histoires de fiction. On use encore de la poésie et des métaphores mais on parle surtout de ce qui se passe en ce moment. C'est une traduction de ce qu'on est en train de vivre, de nos états d'esprit, de la notion d'urgence et de ce qui nous traverse en ce moment. On avait vraiment besoin de faire ça. Notre nouveau parolier, Albert Conan, est un ami de longue date. On construit notre musique autour des textes. Le fond influe la forme et pas l'inverse.

Tout au long de l'évolution de Pethrol, on a longtemps qualifié votre musique de dark, un adjectif qui ne vous plaisait pas particulièrement...
Je comprends d'où venait cette étiquette. Avec Cédric, on a beaucoup expérimenté tout au long de Pethrol. Avec ce premier album, on s'est trouvé. C'est la naissance réelle de Pethrol. On est enfin content. Après six mois d'enregistrement, on écoute nos chansons avec plaisir, ce qui n'était pas du tout le cas avec les titres de nos EP. On était dans la recherche du son Pethrol. Notre graphisme suivait les mêmes expérimentations. L'image qui était véhiculée à travers nos clips a poussé les gens à nous coller cette étiquette de musique dark. Mais c'est aussi notre faute. Ce n'est pas grave. Le nouvel album est différent. Les clips sont beaucoup plus lumineux.

Figures, marque une rupture avec le reste de votre œuvre. Pourtant, on sent déjà que le projet va continuer à évoluer. Il y a par exemple un titre en français sur l'album...
C'est un titre que j'avais composé il y a un an lors d'un workshop avec des amis. Cinq mois plus tard, je l'avais envoyé à Cédric. On a retravaillé le texte avec Albert pour parler vraiment de la situation des migrants aujourd'hui. C'est un peu compliqué. Ce n'est pas facile de parler de ça en tant que petits français qui font de la pop. On voulait partager ça, on en avait besoin. Penser à autre chose qu'à sa gueule, je pense que c'est important. Cette chanson, Le Dernier grand voyage, est peut-être aussi le début d'un autre voyage, peut-être en français, pour Pethrol.

Comment appréhendez-vous la sortie de l'album ? D'autant que vous bouclez la boucle avec un concert au Club Transbo chez vous, à Lyon.
J'ai toujours l'impression qu'il sort dans un mois, mais non (rires). En fait, il n'y a pas du tout d'appréhension. Pour moi, l'album est déjà sorti. Ce n'est pas que j'attends rien de cette sortie, mais on est tellement contents de ce qu'on a produit qu'on a déjà tout gagné. Quoiqu'il arrive maintenant, on verra bien. On est super heureux de faire la release party à Lyon. Je pense que tout va se faire tranquillement. On a surtout hâte de faire beaucoup de concerts et de partager cet album avec les gens, d'avoir des retours et de se nourrir de tout ça pour avancer.  

Pethrol
Au Transbordeur le mercredi 26 octobre à 20h30


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