Autofocus sur Romulus

Après Les Physiciens et La Visite de la vieille dame, Thomas Poulard poursuit son compagnonnage avec le sarcastique et débridé Friedrich Dürrenmatt. Mais ce Romulus le Grand n'a pas la tenue des précédentes pièces.


C'est l'histoire d'un empereur ronchon, qui n'aime rien tant que ne pas diriger. Quand la pièce commence, c'est le jour de rétribution des fonctionnaires et il « n'aime pas ça », d'ailleurs il n'y a plus de ministre des finances : « il est parti avec la caisse ». Les ressemblances avec des personnes ou des situations réelles ne sont bien sûr pas indépendantes de la volonté du metteur en scène de monter ce texte de Friedrich Dürrenmatt datant de 1948, dans lequel le dramaturge suisse, comme dans de nombreux écrits, fustige l'égoïsme des puissants et l'inanité de leurs actions – si ce n'est de leurs inactions – envers ceux qu'ils sont censés protégés.

En 476 après J.C., les Allemands (des « bochs ») s'apprêtent à envahir l'Italie mais Romulus préfère s'occuper de ses poules (baptisées du nom de précédents empereurs romains), prendre le temps de déjeuner correctement et refuse que sa fille épouse un richissime fabricant de pantalons, même si cela sauverait le pays de la banqueroute annoncée. La défaite est sa ligne de mire, dans laquelle il retrouvera son homologue germain embarqué malgré lui dans une conquête dont il se moque éperdument.

Petitesse et décadence

Ce grand péplum est rendu au travers de bootlegs de films d'époque en noir et blanc, bruités, dialogués en direct sur le plateau durant presque une heure. Thomas Poulard avait déjà emprunté au cinéma la notion de générique (La Visite de la vieille dame) ou même de vidéo (Les Physiciens) ; là, il utilise l'image de façon beaucoup plus poussée pour contourner la multiplicité de personnages. Mais ce montage manque d'une conduite qui aurait permis au délire de Dürrenmatt de prendre encore plus d'épaisseur.

Pas besoin de convoquer Donald Trump, de pousser la chansonnette avec Lara Fabian ou Luis Mariano, voire avec la Reine de neiges libéré, délivré », en entame de 2e partie), d'inviter Roger Giquel (« Rome a peur ») ou l'écrivain lui-même en archives, voire d'évoquer le metteur en scène, pour rendre compte de l'étrangeté de ce Romulus.

Un strict mix de films aurait eu certainement plus de force. Judicieusement, Thomas Poulard opère un retour au théâtre stricto-sensu pour le dernier acte emmené par un Stéphane Castang parfait dans le rôle de l'homme las. Le spectacle trouve un rythme plus conforme au récit et porte de façon plus convaincante le nihilisme de cette pièce, foutraque mais loin d'être imbécile.

Romulus le grand
Au théâtre de l'Elysée jusqu'au vendredi 21 octobre


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