L'enfance du 7e art

Si la fusion Auvergne/Rhône-Alpes a porté le mastodonte clermontois au top des rendez-vous régionaux dédiés aux courts-métrages, celui du Zola conserve (malgré un budget trop modeste) l'avantage de l'antériorité, de la convivialité et de la curiosité.


Année après année, le Festival du film court de Villeurbanne demeure LE refuge pour spectateurs avides de propositions cinématographiques inédites. La preuve avec cette 37e édition, parcourue par un souffle de nouveautés, perceptible notamment dans les 44 films de sa compétition européenne — sa principale sélection —, et accentuée par une étonnante surreprésentation d'enfants. D'enfants à naître, dans le superbe court animé de Roshanak Roshan, Yalda où une Iranienne exilée révèle sa crainte de devenir mère, ou d'êtres infantilisés, à l'instar du protagoniste de Nabelschur. Signé par la prometteuse Eliza Petkova, ce film à la direction artistique impeccable montre un jeune homme garrotté par une mère mutique et possessive à l'amour odieusement destructeur.

Renouveau allemand

Observateurs, messagers, parfois dépositaires de secrets écrasants, les enfants entrent dans un monde terrifiant auquel ils ne sont pas préparés : la fillette kurde réfugiée chargée d'annoncer un diagnostic médical à sa mère de Il Silenzio, ou le môme découvrant que son père doit démolir des maisons illégales dans Zvir, en témoignent. Lorsqu'ils ne perdent pas trop tôt leur innocence comme la gamine de Alles wird gut (manquant d'être enlevée par son père dans ce drame magistral de Patrick Vollrath), ils tentent de la retrouver, à l'image de la fratrie de La Baignoire, une comédie douce-amère en plan-séquence autour d'un projet de photo de famille — deux films qui, au passage, confirment l'émergence allemande.

Impossible de ne pas citer le seul (!) documentaire Ma fille Nora, de Jasna Krajinovic consacré à la détresse et au combat de la mère d'une jeune fille partie en Syrie. Ni de souligner le coup à l'estomac que constitue Ennemis intérieurs, premier film hallucinant de maîtrise de Sélim Azzazi. Censé se dérouler il y a vingt ans, ce face-à-face à la dialectique retorse et à la réalisation précise entre un policier et un Algérien demandant sa naturalisation, a d'effrayants échos contemporains. Il mériterait de figurer au palmarès, avec le troublant Spoon, récit libératoire d'une maltraitance enfantine. Et l'hilarant Bingo !, course-poursuite tex-averyesque dans une maison de retraite — car il y en a, aussi, pour les grands enfants…

37e édition du Festival du film court de Villeurbanne
Au cinéma le Zola ainsi qu'au Ciné-Meyzieu, au Ciné Mourguet, aux Alizés de Bron… du 18 au 27 novembre


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