Ces signes qui sifflent sous nos têtes

En plomb puis numérisés, les signes typographiques sont notre littérature première. Comment sont-ils inventés et pensés ? Esquisse de réponse sur le mode artistique.


Avec une salle de moins consacrée à son parcours temporaire par rapport aux précédentes expositions, et malgré une entame complexe, il y a de petites pépites dans cette nouvelle proposition du musée de l'Imprimerie, associé ici à l'Atelier national de recherche typographique qui fête ses trente ans. Il faut au préalable passer par le premier espace regroupant une série d'affiches en forme de cartes blanches des étudiants de l'ANRT : elles requièrent un certain professionnalisme sur le sujet pour en détecter la pertinence, et ont le mérite de démontrer que la typographie peut avoir un enjeu artistique.

Dans la suite du parcours, il est question de recherche à visée certes esthétique mais aussi pratique, en allant du plus grand au plus petit (affiche, livre, caractère). Choisir d'imprimer Proust en Arial ou en Times new roman n'est pas un geste banal : la vision de plusieurs ouvrages qui se jouent de la typo permet de s'en persuader. Mais le plus spectaculaire se déniche sur des supports plus anodins. Ainsi est exposé un formulaire de déclaration d'impôts : en changeant de caractère (exit le ITC Garamond étroitisé avec filets gras et tout majuscules), en optant pour une organisation en deux colonnes, c'est un document complexe qui a été considérablement simplifié !

£$#€ ?!?!!!

Autre exemple criant prouvant que le travail sur la typographie évite de longs discours : l'affiche réalisée pour protéger les œuvres du Louvre. Une phrase « ne pas toucher les œuvres » qui se décline de ligne en ligne, toujours plus abimée et quasi illisible in fine. Magistral ! Ce panneau, plus de vingt ans après sa création, est encore dans certaines allées du prestigieux musée. La typographie s'est aussi nourrie de projets avortés (et pour cause !) comme celui du symbole du franc, un F doublement barré à l'instar du yen et du dollar.

Mais l'euro pointait déjà son nez, évitant de fait un coûteux plan d'intégration de ce nouveau signe. La typographie, qui aurait pu s'évanouir avec la révolution numérique et la fermeture dans les années 70 des principales fonderies, est aujourd'hui bien vaillante. Et de la création d'un alphabet (qui impose que chaque signe soit lisible à n'importe quel corps) aux délires d'uniformisation des minuscules et des majuscules (le newut), elle n'est pas prête de se tarir.

Typo
Au musée de l'Imprimerie et de la Communication graphique jusqu'au 12 février


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