Sully

de Clint Eastwood (E-U, 1h36) avec Tom Hanks, Aaron Eckhart, Laura Linney…


Eastwood a-t-il résolu de se momifier en aède de la geste étasunienne contemporaine ? Alors, autant qu'il s'intéresse à cette belle figure du pilote Chesley “Sully” Sullenberger, plutôt qu'à Chris Kyle, sujet de son précédent opus American Sniper (2014). Pour la simple raison que le premier a sauvé les 155 vies de son avion sur le point de s'abîmer en le posant sur la rivière Hudson ; le second ayant gagné sa notoriété en flinguant des ennemis.

Mais si ces deux personnages sont considérés par leurs concitoyens comme des héros équivalents malgré leurs mérites opposés, Sully a fait l'objet d'un traitement particulièrement inique : on l'a accusé d'avoir agi de manière irréfléchie et périlleuse. Voilà ce qui a dû titiller Clint, prompt à défendre façon Capra l'honnête homme contre une machine juridico-financière en quête de responsable.

Eastwood/Hanks, c'est l'alliance de deux Amériques idéologiquement contradictoires, partageant pourtant des valeurs humaines fondamentales ainsi qu'une foi d'enfant dans la Constitution ; une naïveté faisant que le bon verra tous ses mérites reconnus. Pas forcément ici-bas, mais au moins grâce au cinéma, avocat de la défense aux armes percutantes.

Ici, le sauvetage réussi (et même raté à travers des cauchemars et des simulations) se trouve ainsi montré plusieurs fois, de différents points de vue et d'écoute. Scandé et démultiplié — comme tout fait d'actualité l'est par les médias de nos jours — l'acte insolite y gagne en spectaculaire, sans rien perdre de son caractère exceptionnel. Curieusement, le public américain a été trois fois plus nombreux pour le flingueur…


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