Notre-Dame-des-Landes, la zone à défendre vue par Bruno Serralongue

Renouvelant la photographie documentaire, Bruno Serralongue présente au Bleu du Ciel son tout dernier travail, autour de la communauté de la Zone à défendre de Notre-Dame-des-Landes.


Bruno Serralongue (né en 1968) a engagé, depuis le milieu des années 1990, une profonde réflexion sur la construction (dispositifs concrets et formels, transmission médiatique, etc.) des événements politiques contemporains : qu'il s'agisse d'une manifestation de sans-papiers à Paris, d'un sommet international sur le climat en Afrique du Sud, ou d'une assemblée de la diaspora tibétaine... Ce qui intéresse particulièrement l'artiste-photographe ce sont les formations d'une foule, d'un collectif, d'une communauté. Il en scrute les invariants, les artifices, les normes, ou au contraire les à côtés, les singularités et les lignes de fuite.

Au Bleu du Ciel, il présente une exposition inédite qui résulte de deux années vécues auprès des "naturalistes" ayant investi une zone à défendre à Notre-Dame-des-Landes. Les images, patientes et minutieuses, de Bruno Serralongue évoquent et retracent la vie d'une communauté de bénévoles, de militants et de scientifiques qui, tout à la fois, cultivent la terre afin de vivre sur place, étudient et dressent l'inventaire des espèces végétales et animales menacées par le projet de construction d'un aéroport, et se réunissent régulièrement en assemblées sous chapiteau pour organiser leur communauté.

Une expérience qui nous fait être

Variant les formats, les rythmes d'accrochage, les vides et les pleines, Bruno Serralongue nous rend attentifs, en particulier, aux « moindres gestes » (selon l'expression de Fernand Deligny), aux détails, à la fragilité des choses... Ses images, à rebours de celles des médias, montrent tour à tour une réunion, une récolte de pommes de terre, mais aussi l'éclat poignant d'une fleur minuscule, une main recueillant un insecte, une page de carnet de notes griffonnée...

La communauté des naturalistes prend vie sous nos yeux, dans toutes ses dimensions, mêmes les plus discrètes... « Dès 1995, c'est la notion de communauté qui a guidé mon travail. Placer le lieu de la photographie au sein d'une communauté plus qu'au moment d'un événement était ce qui m'intéressait. Puis, je me suis très vite aperçu que les deux ne faisaient qu'un. » écrit Serralongue sur son site Internet.

Ces communautés-événements sont aujourd'hui rien moins que de nouveaux horizons politiques, de nouvelles manières de résister, de créer et de repenser aussi les liens sociaux dans une certaine transversalité qui chamboule les hiérarchies et les modèles dominants. Le travail précieux de Bruno Serralongue rejoint ici la réflexion philosophique de Jean-Luc Nancy qui tente, dans ses ouvrages sur la communauté, « d'indiquer une expérience – non pas, peut-être, une expérience que nous faisons, mais une expérience qui nous fait être. Dire que la communauté ne fut encore jamais pensée, c'est dire qu'elle éprouve notre pensée, et qu'elle n'en est pas un objet. »

Bruno Serralongue
Au Bleu du Ciel jusqu'au 4 février


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