En route vers la mégalomanie et le despotisme

Poursuivant son exploration de la langue d'Aimé Césaire, Christian Schiaretti livre avec La Tragédie du roi Christophe un spectacle choral instructif mais étonnement figé.


Comment se traduit au quotidien un régime démocratique ? Au travers des écrits de Césaire, Christian Schiaretti visite avec appétence cette question fondamentale qui agite continuellement le monde, notre riche Occident de plus en plus fragilisé par l'accroissement des inégalités n'étant pas en reste. Avec Une saison au Congo, il parvenait à matérialiser l'injuste chute de Lumumba et à rendre perceptibles les manigances hors-sols de l'ex-colonisateur belge. Le metteur en scène poursuit ce travail consistant à expliquer l'immense difficulté de rendre le peuple libre.

En Haïti, sur les cendres de Saint-Domingue, Césaire saisit la première démocratie noire au monde, proclamée en 1804, avec en entame un combat symbolique de coqs entre Pétion qui règne sur le Sud de l'île et Henri-Christophe sur le Nord. Ce dernier l'emporte et va peu à peu faire marcher ses administrés aux pas militaires de son ambition, déviant vers la mégalomanie comme en témoigne la construction de la pharaonique citadelle pour laquelle même femmes et enfants sont réquisitionnés.

« Pauvre Afrique, pauvre Haïti »

Au rythme d'un groupe de musiciens, isolé en fond de scène, le collectif burkinabé du Béneeré retrouve le plateau du TNP, trois ans après Congo et donne corps massivement à ce peuple lors de différents tableaux simplement annoncés pour mieux les situer. Des éléments de décor font écho à de précédents travaux de Schiaretti comme ce sol qui absorbe en un clignement d'œil la terre et rappelle celui de Coriolan, la prononciation très rigoureuse des mots avec scansion est aussi une de ses caractéristiques comme cette capacité à diriger une telle foule.

Mais in fine, cela finit par peser sur le rythme : de la fête d'intronisation comme plus tard lors de la manifestation des habitants contre le despotisme de Christophe, tout est calme ; alors que pourrait naître sur scène une ferveur incroyable ou une colère noire de ceux qui meurent de faim.

Dommage que cette pièce demeure assez statique, avec des adresses constantes des comédiens face public, dénaturant un rapport qui s'il avait été plus spontané entre eux sur scène, nous serait parvenu avec plus de vigueur. Avant que, dans la deuxième partie, Christophe ne se fasse plus lyrique.

La Tragédie du roi Christophe
Au TNP jusqu'au 12 février


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