Remettre le monde à l'endroit

Michel Lussault vient débattre à la Villa Gillet de son regard de géographe singulier sur le monde contemporain et de son dernier ouvrage explorant en particulier les hyper-lieux.


Depuis le début des années 2000, Michel Lussault met au centre des sciences sociales la géographie, une géographie très humaine en l'occurrence. Après les philosophies de l'histoire du 19e siècle, l'objectivité anti-humaniste et structurale des sciences humaines au 20e siècle (psychanalyse, sociologie, anthropologie...), le géographe défend une approche du contemporain à partir des vécus physiques, de la subjectivité des expériences individuelles ou collectives au sein d'espaces et de lieux particuliers.

« Avec l'anthropologue Tim Ingold, l'historien Patrick Boucheron, le philosophe Guillaume Leblanc, le sociologue Richard Sennett, Peter Sloterdijk et bien d'autres, on pense que l'espace n'est pas seulement un décor, un théâtre, mais une dimension explicative de la vie. Il y a là peut-être même un tournant spatial des sciences sociales. » nous confiait Michel Lussault dans un entretien.

Le monde n'est pas plat

Son nouveau et passionnant ouvrage, Hyper-lieux (Seuil), revient d'emblée sur deux faits majeurs du monde contemporain : l'urbanisation généralisée (depuis 2008, plus de 50% de la population mondiale vit en ville), et l'entrée dans ce qu'on appelle l'anthropocène, nouvelle époque géologique où l'activité humaine influe directement et massivement sur le système biophysique.

Mais contrairement aux penseurs de la mondialisation, Michel Lussault ne considère pas que notre monde en serait devenu, pour autant, « plat », « uniforme », « homogène »... Il constate que la mondialisation produit simultanément l'inverse : « l'apparition, partout, de lieux singuliers ».

Parmi eux, le géographe se penche tout particulièrement sur les « hyper-lieux » caractérisés par un surcumul en un endroit donné de réalités matérielles et immatérielles, l'ubiquité médiatique, une expérience sensible particulière, un partage collectif éphémère, une concentration d'activités (commerce, tourisme, loisir, finance...)...

Times Square à New York en serait l'exemple emblématique, et Lussault déclinera ensuite d'autres hyper-lieux dans son livre : les centres commerciaux géants, les aéroports, les gares... Sous sa plume, le monde contemporain s'éclaire à travers une dimension essentielle et directement saisissable par chacun : la spatialité.

Rencontre avec Michel Lussault autour de son livre Hyper-lieux (Seuil)
À la Villa Gillet le mardi 7 février


<< article précédent
"Sahara" : Pour qui sont ces serpents qui sifflent dans le désert ?