Rachida Brakni : jouer juste

Une mise en scène tout en dentelle d'Arnaud Meunier, au service d'une Rachida Brakni d'une grande justesse : c'est aux Célestins jusqu'au 17 février.


À quoi ça ressemble,  1h40 de monologue ? À tout, sauf à la performance injustement présupposée... Rachida Brakni incarne trois femmes : une professeur juive, une soldat US et une kamikaze palestinienne qui veut comettre un attentat à Tel Aviv, « dans un an, dix jours et huit heures », le 29 mars 2002, elle l'annonce d'emblée.

Aucun accessoire ne vient seconder la comédienne (ancienne pensionnaire de la Comédie Française) pour l'aider à incarner ces trois destins mêlés au cours du conflit israélo-palestinien, refrain ensanglanté des décennies passées, plus que jamais d'actualité. Dans un décor d'un gris dégradé, inversement semblable à celui de ses vêtements, encadré par trois portes qui n'ouvrent sur rien, elle avance, sur la moquette, à pas de loup presque comptés sans jamais flirter avec l'illustration ou même la démonstration.

Ses cris de détresse sont silencieux, terriblement expressifs. Les explosions donnent lieu à une lumière crue et aveuglante. Arnaud Meunier, qui adapte ici (après Anna Politovskaïa et Chapitres de la chute) sa troisième œuvre de l'écrivain italien Stefano Massini, a opéré une mise en scène tout en dentelle, tant vis-à-vis de son interprète que de ses choix d'éclairage et de son.

Tout est d'une infinie sobriété et méticulosité pour accompagner au mieux ce texte qui pointe adroitement à la fois la croyance inébranlable en une doxa (religieuse ou patriotique) et la dérive des sentiments, celle de cette universitaire juive qui découvre, bouleversée et honteuse, la haine.

En prenant le temps de faire exister ces trois destins, Rachida Brakni, avec une humilité et une force égales, dit la singularité de ces humains qui construisent et violentent notre monde avant de disparaître derrière un nuage de fumée.

Je crois en un seul dieu
Au théâtre des Célestins jusqu'au vendredi 17 février


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